Cucumber, Banana, Tofu : trois séries gays à suivre

Canal Street or Anal Treat ? Seize ans après Queer as Folk, Russell T Davies revient avec trois nouvelles séries, Cucumber, Banana et Tofu, qui jouent sur les pratiques du spin-off et des contenus additionnels en ligne.

Tout commence dans les allées d’un supermarché, sur fond de bruits de braguettes qu’on ouvre et qu’on ferme. D’œillades furtives en sourires esquissés, Henry, la quarantaine bien entamée, zigzague dans les rayons peuplés d’hommes plus ou moins jeunes et peu farouches. C’est ainsi, invariablement, que débutent les huit épisodes de la première saison de Cucumber, l’une des trois nouvelles séries de Russell T Davies, aux côtés de Banana et de Tofu. On se demande alors si cela n’est que le fruit de l’imagination d’Henry ou si la drague à la supérette, dont les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin nous offraient déjà un aperçu, est une réalité anglo-saxonne qu’on peine à retrouver dans un Carrefour City ou un Simply Market de Lyon.

Cucumber russell t. davies heteroclite

Si les titres des trois séries peuvent laisser penser qu’il s’agit là d’une offensive d’un groupuscule végétarien, la signification de ces drôles de noms est à chercher loin des rayons de denrées alimentaires. En effet, cucumber, banana et tofu désignent  trois stades de l’érection, de la plus turgescente à la plus molle. Et c’est bien là le sujet qui intéresse le réalisateur de la série gay culte des années 2000, Queer as Folk.

Le héros principal de Cucumber, Henry, vit en couple à Manchester avec Lance depuis une dizaine d’années et se retrouve plongé dans les affres de la midlife crisis. S’ensuivent une série de mésaventures qui l’amènent à côtoyer deux jeunes vingtenaires : le gentil (mais un peu bête) Dean et le bel et énigmatique Freddie. Du choc des générations naissent alors des situations humoristiques ou tragiques qui mettent en lumière la vie des LGBT mancuniens, leur rapport au désir sexuel et leur vision de l’amour et de l’engagement.

Plus de sexe, moins d’illusions ?

Comme dans Queer as Folk* (version anglaise), on retrouve la ville de Manchester et son accent incompréhensible, ainsi que les bars de Canal Street (l’épicentre du quartier gay mancunien, surnommé «Anal Treat» par les locaux). Néanmoins, bien que les idéaux de la communauté ne soient pas totalement évacués, les personnages créés par Russell T Davies en 2015 sont plus tournés vers l’introspection, moins concernés par l’affirmation en tant que groupe et plus recentrés sur eux-mêmes que ne l’étaient ceux du début des années 2000.

En parallèle à Cucumber (diffusé sur la chaine britannique Channel 4), Davies développe une série aux épisodes plus courts, Banana, qui sont l’occasion de suivre des personnages furtivement aperçus dans Cucumber. Il est ainsi possible de suivre le rendez-vous de la jolie policière noire lesbienne au crâne rasé à peine entre-aperçue, ou de retrouver le sexy Aiden, dont Freddie avait consulté le profil Grindr.

Enfin, Tofu, qui se présente sous la forme d’un documentaire en ligne, permet de retrouver les acteurs des deux premières séries évoquant leur sexualité. Avec cette déclinaison en trois volets, Davies prouve qu’il n’a rien perdu de son talent de scénariste et qu’il a parfaitement saisi les évolutions considérables qu’ont connu les séries télévisées depuis le début des années 2000.

 

 

 

* Queer as Folk, de Manchester à Pittsburgh

Face au succès rencontré en 1999 par la mini-série britannique Queer as Folk (dont l’action se passait déjà à Manchester, ville décidément chère au cœur de Russell T Davies), les Américains proposèrent dès l’année suivante une adaptation de la série, transposée pour l’occasion à Pittsburgh (Pennsylvanie). On y suit les aventures de cinq amis homosexuels (Brian, Justin, Michael, Ted et Emmet), chacun incarnant un stéréotype de la communauté gay, et de Lindsay et Melanie, un couple de lesbiennes. Au-delà des histoires de cœur et de cul des personnages, la série évoque tour à tour les thèmes imposés du début des années 2000 tels que le sida, l’homoparentalité ou l’homophobie au sein des familles et dans la société.

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