Nadia Beugré investit les “Quartiers libres”

Quartiers libres explore et révèle ces espaces tabous que nous n’avons pas le droit d’explorer, où l’on nous impose de nous reclure, ces lieux interdits dans lesquels on choisit d’errer, à travers une vaine et violente quête de liberté interprétée majestueusement par Nadia Beugré.

Nadia Beugré est Ivoirienne mais travaille depuis plusieurs années en France. Cette double influence, on la retrouve également dans sa formation. Tout d’abord disciple de Germaine Acogny, figure emblématique de la danse africaine, Nadia Beugré a décidé de perfectionner son enseignement avec Mathilde Monnier, chorégraphe française en charge du festival Montpellier Danse. Avec son solo Quartiers libres, Beugré brouille les frontières entre danse et performance, afin d’ouvrir des espaces d’émancipation à destination des femmes.

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De la robe lamée au tutu en bouteilles de plastique

Au début du spectacle, c’est avec tous les attributs de la diva que Nadia Beugré se présente sur scène : robe courte lamée, talons hauts et micro au long fil qui deviennent vite des obstacles à son expression. Ces symboles d’une féminité fantasmée la gênent dans ses mouvements et la figent dans un modèle contraignant. Il suffit de voir le jeu de la danseuse avec le micro, qui non seulement met en exergue ses défaillances vocales (dont elle s’amuse), mais dont le fil lui-même, exagérément long, se transforme en entrave jusqu’à l’étranglement, pour comprendre la nécessité pour la danseuse de se débarrasser de ces accessoires afin de donner la pleine mesure de son art. C’est finalement en sous-vêtements que Nadia Beugré se réapproprie son corps et sa liberté de mouvement aux rythmes des compositions du groupe féminin belgo-congolais Zap Mama.

Pour l’Ivoirienne, il s’agit de dénoncer les «espaces tabous» qui restent interdits aux femmes. Si l’artiste a d’abord en tête la société africaine, son propos peut aisément s’étendre au-delà des frontières pour trouver des échos sur d’autres continents, se teintant d’une critique de la consommation. En effet, le rideau de bouteilles en plastique qui s’étend en fond de scène semble matérialiser la production à outrance et la pollution qui l’accompagnent, phénomène mondial qui met au jour les inégalités entre le Nord et le Sud. C’est d’ailleurs dans une sorte de parodie de tutu en bouteilles que Nadia Beugré termine son spectacle, cherchant à se libérer de cet amoncellement qui pourrait symboliser les rapports entre l’Afrique et les anciennes puissances coloniales.

 

Quartiers libres, jeudi 7 mai au Toboggan, 14 avenue Jean Macé-Décines / 04.72.93.30.00 / www.letoboggan.com

Photos © Ian Douglas

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