Bobine : Jonathan Peronny, comédien et metteur en scène

Âgé de trente ans, Jonathan Peronny est comédien, metteur en scène et intervenant théâtre en milieu scolaire.

Jonathan Peronny heteroclite

D’où venez-vous ?

Jonathan Peronny : Je suis né en Alsace, j’ai grandi dans le Vercors et j’ai passé mon bac à Grenoble où j’ai également commencé ma formation théâtrale. J’ai fait un passage-éclair à Paris (moins d’un an) et depuis six ans, je vis à Lyon, ville dans laquelle je pense rester encore très longtemps car  je m’y sens vraiment bien.

Quels sont votre formation et votre parcours professionnel ?

Jonathan Peronny : J’ai commencé ma formation théâtrale en même temps que je découvrais “la ville”. J’ai grandi dans un village appelé Saint-Martin de la Cluze, à trente minutes de Grenoble, où les ateliers de théâtre n’existaient pas. Je pouvais faire du foot, du rugby ou du judo, mais du théâtre, non. J’ai testé judo et foot, mais ce n’était pas mon truc. Quand j’étais en 4ème, j’ai bien essayé de monter un club-théâtre  dans un préfabriqué qui appartenait à la commune mais, curieusement, ça n’a pas trop marché. En 2000, quand j’étais en 3ème, j’ai donné tout ce que j’avais dans une lettre de motivation pour être accepté en seconde option théâtre au lycée Champollion et j’ai été pris.

J’ai eu l’impression que tout allait enfin commencer pour moi, parce que le théâtre allait enfin vraiment faire partie de ma vie. J’allais pouvoir dire “je fais du théâtre” et ça, pour l’adolescent qui affirmait depuis des années qu’il serait plus tard comédien, c’était une sacrée étape. Comme je suis boulimique et que j’en veux toujours plus, j’ai passé le concours du Conservatoire de Grenoble en même temps que j’entrais au lycée. J’ai été remercié parce que trop jeune mais on m’a conseillé de revenir l’année suivante, ce que j’ai fait et j’ai été admis. J’ai passé cinq ans au Conservatoire. Les deux dernières années, j’étais en COP (cycle à orientation professionnelle) et, en parallèle, j’ai joué avec des compagnies grenobloises (En scène et ailleurs, la compagnie Yvon Chaix).

En 2006, j’en ai eu marre de Grenoble et j’ai fait un passage par Paris où j’ai suivi les cours de Michèle Garay au Conservatoire du 10e. Au bout d’un an, j’ai fait une sorte de burn-out théâtral : je ne prenais plus de plaisir à jouer, je doutais sans cesse de ma légitimité à être sur scène et j’ai décidé d’arrêter. Je suis rentré à Grenoble et ce burn-out a duré deux ans pendant lesquels j’ai vendu des jouets à La Grande Récré. Je me suis heureusement réveillé un matin en me disant que cette vie-là ne m’intéressait pas et j’ai passé le concours du compagnonnage-théâtre au NTh8 à Lyon.

Ce fût, à ce jour, la meilleure décision de ma vie. En devenant comédien-compagnon, je me suis réconcilié avec le théâtre et, grâce à des gens tels que Sylvie Mongin-Algan et Guy Naigeon (membres du collectif Les Trois Huit), je me suis à nouveau senti à ma place sur un plateau de théâtre. Depuis 2010, date de mon entrée au compagnonnage, j’ai joué avec différentes compagnies, monté des projets avec les comédien-ne-s de ma promotion et, surtout, j’ai commencé à développer mon propre univers artistique. En 2014, j’ai adapté les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin en feuilleton théâtral de quatre épisodes au Lavoir public. C’était un projet auquel je pensais depuis longtemps et je suis très heureux qu’il ait pu voir le jour avec une équipe de personnes et d’artistes que j’estimais tant.

Concernant mes projets à venir, du 10 au 13 décembre 2015, je jouerai dans Bienvenue dans le nouveau siècle Doktor Freud de Sabina Berman, mis en scène par Guy Naigeon et, dès février 2016, je vais commencer à répéter pour Middle Class(es), un texte écrit par Grégoire Blanchon qui raconte le parcours d’un jeune homosexuel issu de la classe moyenne. Nous proposerons une première étape de travail  de ce seul-en-scène courant mars 2016 au NTh8. Grégoire Blanchon sera le metteur en scène de ce projet dans lequel je jouerai.

Vous avez travaillé sur plusieurs projets dans lesquels l’homosexualité était un thème central (Angels in America, Chroniques de San Francisco…). Cela fait-il de vous un artiste militant, engagé ?

Jonathan Peronny : J’ai presque envie de répondre “oui, malgré moi” mais en fait c’est plutôt “oui, de fait”. Pour ce qui est d’Angels in America, dès que j’ai su que le collectif La Toile cherchait un comédien pour le rôle de Joe Pitt, je me suis dit que je devais jouer ce rôle. J’ai même dit à Bryan Eliason et Camille Régnier-Villard qui m’auditionnaient alors : “Joe, cest moi“. Ce n’était pas présomptueux mais juste très sincère. Je ne suis pas républicain ou mormon mais, comme Joe, à un moment de ma vie, j’ai lutté fort jusqu’à me persuader moi-même que je n’étais pas homosexuel, pour que les choses soient plus simples. Cela me paraît fou et incroyable aujourd’hui, dans ma vie lyonnaise où j’assume pleinement mon orientation sexuelle, mais à l’époque, la pression sociale et familiale avait une énorme emprise sur moi.

Middle Class(es) fait d’ailleurs référence à ces pressions. Pour en revenir à Angels in America, je dois dire que jouer Joe a été un cadeau, car j’ai pu travailler une interprétation tout en nuances et en subtilité, en restant très près de moi-même. Dans la pièce, Joe finit par s’accepter et s’affirmer et, en le jouant, j’ai réalisé que moi-même, je m’étais finalement accepté en tant qu’homosexuel et affirmé en tant qu’artiste. J’ai vu le chemin parcouru et j’ai eu envie de continuer à avancer en interprétant Michael Tolliver, le gay assumé des Chroniques de San Francisco . En relisant l’oeuvre de Maupin, j’ai été frappé de voir que des sujets tel que le mariage pour tous étaient déjà présents en 1970. Je me suis dit : “merde, tout n’a pas encore vraiment bougé“.

Je crois que j’aimerais davantage me définir comme un artiste engagé dans la cause homosexuelle et que je vais travailler en ce sens. Je me sens comme au début de quelque chose pour l’instant.

Quels liens entretenez-vous avec la communauté LGBT ?

Jonathan Peronny : Un lien plutôt festif et nocturne. Je vais à de nombreuses soirées : les Arm Aber Sexy du Lavoir public, les Garçon Sauvage organisées par Chantal La Nuit. Je fréquente les bars gay-friendly, je vais aux vernissages du Blitz. Je trouve que Lyon est une ville où il fait bon être gay.

 

Middle Class(es), les 29 et 30 juin 2016 au Lavoir public, 4 impasse Flesselles-Lyon 1 / 09.50.85.76.13 / www.lelavoirpublic.fr

 

Photo de Une © Arnaud Manuel

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