Quel rôle pour les femmes dans les révolutions arabes ?

La doctorante en sciences politiques Mélodie Breton achève fin janvier une série de trois interventions données à l’Université populaire de Lyon sur le genre dans les révolutions arabes.

 

Femmes dans un rassemblement pro-democratique sur l'ile de Sitra, a Bahrein révolutions arabes

 

«La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune». La célèbre phrase de la révolutionnaire française Olympe de Gouges est citée par Mélodie Breton en introduction de son premier cours, donné le 9 décembre 2015. L’histoire des révolutions révèle, comme une constante, le paradoxe suivant : si les femmes prennent une part active dans les mouvements révolutionnaires, elles sont bien souvent exclues des gains de ces mouvements, voire parfois victimes de leurs suites. Cet écart justifie, selon Mélodie Breton, le recours à l’approche de genre pour étudier les mouvements sociaux et en particulier les révolutions arabes. Elle revient d’abord sur la genèse de la sociologie de l’action collective, rappelant que cette dernière s’est développée en premier lieu pour stigmatiser l’«irrationalité» des foules, après la commune de Paris. Elle en profite pour égratigner au passage Gabriel Tarde, auteur de L’Opinion et la foule (1901), le citant pour souligner son androcentrisme : «par un caprice routinier, sa docilité révoltée, sa crédulité, son nervosisme, ses brusques sautes de vent psychologique de la fureur à la tendresse, de l’exaspération à l’éclat de rire : la foule est femme». Rapidement, Mélodie Breton synthétise deux enjeux de ses recherches : comment le militantisme est-il structuré par les rapports sociaux de sexe ? Comment les pratiques militantes reconfigurent-elles ces rapports de pouvoir ? En effet, les mouvements sociaux, s’ils constituent souvent des espaces d’expérimentation sociale, n’échappent pas aux phénomènes d’invisibilisation des femmes et des minorités, de division sexuelle des tâches, de violences sexistes. L’exemple de Rosa Parks est édifiant : considérée comme la «mère du mouvement des droits civiques» aux États-Unis pour avoir refusé de céder sa place dans le bus à un homme blanc, elle est souvent représentée comme une humble couturière fatiguée. Or, Rosa Parks était une militante engagée pour les droits civiques et les droits des femmes, qui avait manifestement réfléchi et préparé son geste.

Questions stratégiques

Les représentations genrées biaisent ainsi bien souvent les analyses, comme en témoigne la surprise manifestée dans les pays occidentaux face à la mobilisation des femmes dans les révolutions arabes. Mélodie Breton rappelle, à la suite de Amel Mahfoudh et de Christine Delphy (qui ont publié un article à ce sujet dans la revue Nouvelles questions féministes en 2014), que les femmes avaient déjà activement participé aux mouvements d’indépendance des pays du Maghreb et que des mouvements féministes y existent. Après avoir abordé les conditions et les expériences de participation des femmes aux révolutions, Mélodie Breton conclut son introduction sur ce débat qui taraude les minorités engagées dans des luttes globales : vaut-il mieux se concentrer sur des revendications générales, considérant que les droits des femmes bénéficieront de fait (ou dans un deuxième temps) des acquis révolutionnaires, ou bien faut-il mener parallèlement le combat pour les droits spécifiques ? Une question stratégique à laquelle Mélodie Breton se garde bien d’apporter une réponse. Elle soulève aussi, pendant un échange avec le public, une autre question d’actualité : comment former une «conscience de genre» malgré les différences de classes sociales ? L’occasion de rappeler que les questions sociales et les questions de genre sont fondamentalement imbriquées et doivent, par conséquent, être pensées conjointement. Après s’être concentrée sur les femmes dans la révolution yéménite (lundi 4 janvier), Mélodie Breton achèvera son cycle de conférences par une intervention sur les femmes dans la révolution égyptienne (lundi 25 janvier).

 

Désirs d’émancipation, tumultes des révolutions – Les femmes dans la révolution égyptienne par Mélodie Breton, lundi 25 janvier aux Archives municipales de Lyon, 1 place des Archives-Lyon 2 / 04.78.92.32.50 / www.archives-lyon.fr

 

Podcasts des conférences disponibles sur www.unipoplyon.fr

 

Photo 1 : Femmes égyptiennes sur la place Tahrir, 1er février 2011 © Zeinab Mohamed
Photo 2 : Femmes dans un rassemblement pro-démocratique sur l’île de Sitra, à Bahreïn en 2011 © DR

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.