Avec Savages, le post-punk a encore un futur

Un clip noir et un poing levé plein de bagouses sur une pochette ont annoncé le retour sur scène et sur disque du quatuor Savages, prouvant que le post-punk avait encore un futur.

savages copyright dustin cohenAdore, un clip simple et captivant sorti en janvier, a fait office de magnifique teaser au deuxième album du quatuor Savages. Très noir et paradoxalement plein de vie, il enchaîne les plans serrés sur le visage en lame de couteau et sur les cheveux au Pento de Jehnny Beth, sur son œil mouillé, tendre et revanchard. Jehnny Beth est un peu mecton et super-meuf à la fois. Le rock de Adore est poisseux, le post-punk y est pour une fois remisé au placard et le blues rampe dans le lieu indéterminé (un sous-sol, peut-être un garage, un hangar ?) où a été tourné le clip. On s’estomaque en le regardant que la sempiternelle trinité guitare-basse-batterie puisse encore innover, nous surprendre et nous faire frémir. Pour cela, pas de mystère : il faut du boulot. Et toutes sauvages soient-elles, ces quatre-là sont avant tout des musiciennes qui maîtrisent parfaitement leurs instruments. Avec Savages, nous sommes très loin de l’histoire habituelle de quatre copines qui kiffent faire du rock comme les mecs. Elles ne sont pas vraiment potes d’ailleurs, vivant éparpillées aux quatre coins de l’Europe. Quand elles se retrouvent, c’est pour faire de la musique, au sens le plus noble du terme, et se livrer à un travail acharné, avec toujours le post-punk en ligne de mire.

Quatre vérités

Rien d’étonnant donc à ce que la basse (tenue par Ayse Hassan) joue ici un rôle central et nous gratifie de lignes mélodiques éblouissantes, jouées à fond la caisse. Soit à la même allure que son binôme rythmique : la batteuse Fay Milton tape net et carré et mène le tempo d’une main de maîtresse, quand elle ne s’autorise pas des breaks, sans fioriture ni kitscherie. Elle créé ainsi des rythmes riches et complexes : dans la fosse des concerts de Savages, les traditionnels hochements de tête d’avant en arrière s’accompagnent fréquemment de mouvements d’épaules plus groovy… Gemma Thompston, la guitariste qui a suivi autrefois une formation de pilote de ligne, ne joue pas de grands airs mais nous envoie au septième ciel avec sa maîtrise de la saturation et du larsen, totalement calculé et toujours posé avec brio, que ce soit en introduction, en conclusion ou en montée de refrain. Et puis il y a Jehnny, son charisme et son chant toujours juste, qu’il se fasse murmure ou cri. Sans la copier, sa tessiture rappelle sur certains accents celle de Patti Smith. Pas la Patti montée sur ces grands Horses, ni la disciple rimbaldienne d’aujourd’hui, mais plutôt la Patti des années 80, celle de People Have The Power, à la voix claire et timbrée. On serait en droit de se demander si une telle maîtrise n’entrave pas l’urgence propre à tout groupe de rock qui se respecte. Mais il suffit d’écouter les deux disques de Savages (Silence Yourself, paru en 2013 et Adore Life, sorti le 22 janvier) pour se rassurer : ce sont des bombes d’énergie post-punk mâtinés de blues qui nous rappellent la grande Siouxsie. Savages s’affirme ainsi comme un des groupes les plus discrets mais aussi les plus passionnants de ces dernières années.

Adore Life de Savages (Matador Records)

Samedi 27 février à l’Épicerie moderne, place René Lescot-Feyzin / 04.72.89.98.70 / www.epiceriemoderne.com

Photos © Dustin Cohen

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.