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“La Juive”, le succès du festival Pour l’Humanité

La Juive, opéra de 1835 mis en scène par Olivier Py après des décennies d’oubli, est la grande réussite du festival 2016 de l’Opéra de Lyon.

Lentement mais sûrement, La Juive retrouve une certaine notoriété. Cette œuvre, populaire au XIXème siècle, a été boudée au XXème siècle avant de faire récemment un retour timide dans les salles d’opéra. Après Nice l’an dernier, c’est au tour de l’Opéra de Lyon d’accueillir une nouvelle production mise en scène par Olivier Py. C’est un ouvrage symbolique du «grand opéra français», ce genre qui a fait les riches heures de l’Opéra de Paris avant de tomber peu à peu en désuétude. L’importance des moyens nécessaires, les cinq actes et la présence d’un ballet sont autant de freins à la mise en scène d’un tel spectacle dans son intégralité. C’est pourquoi quelques coupures ont été aménagées dans cette nouvelle production : il n’en reste pas moins que La Juive, telle qu’elle nous est ici proposée, conserve toute sa puissance.

Un plaidoyer pour la tolérance

L’action se déroule durant le concile de Constance (1414). Léopold, époux de la princesse Eudoxie et amoureux de Rachel, dissimule sa condition de chrétien et se fait passer pour juif afin d’approcher Rachel et son père Éléazar. Lorsque sa véritable identité est découverte, il déchaîne la colère de ce dernier, furieux d’avoir été trompé, mais également celle du cardinal Brogni. Condamnée à mort, Rachel consent au sacrifice pour sauver Léopold qu’elle aime malgré tout. Mais c’est sans compter sur l’étrange affection que porte à Rachel le cardinal Brogni qui, avant d’entrer dans les ordres, a perdu sa femme et sa fille dans un incendie. Le final révélera tout les liens existants entre Eléazar, Brogni et Rachel.

Si on pouvait déplorer l’absence de progression dramatique dans Benjamin, dernière nuit, ici le livret d’Eugène Scribe avance inexorablement vers son dénouement tragique. Certes, les dialogues ont vieilli et des propos datant de 1835 ne sont plus perçus de la même manière en 2016. Ainsi, si le personnage d’Éléazar est complexe, il n’échappe tout à fait à la caricature antisémite du joaillier ravi de faire des affaires.

Mais – et c’est là la grande force de la mise en scène d’Olivier Py – l’atmosphère austère du plateau nous rappelle, sans être explicite, qu’entre la création de La Juive et aujourd’hui, il y a eu la Seconde Guerre mondiale. Et cela grâce à un décor inspiré du Mémorial de la Shoah de Berlin, reposant sur une structure mobile perpétuellement innovante (conçue par Pierre-André Weitz) qui nous fait passer d’une bibliothèque à une forêt d’arbres calcinés. On regrettera simplement quelques effets scéniques visant à dénoncer la xénophobie contemporaine de façon un peu trop démonstrative.

Un orchestre et des interprètes au sommet

Musicalement, c’est un sans-faute pour le futur chef permanent de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni, qui remplacera Kazushi Ono dès la saison 2017-2018. Il sait mener l’orchestre dans une construction tragique, faisant évoluer ses effets pour que les nuances soutiennent le propos de l’action.

Le plateau vocal s’en tire remarquablement bien pour une partition aussi exigeante. La basse profonde de Roberto Scandiuzzi (le cardinal Brogni) semble descendre dans les entrailles de la terre, quand les aiguës du ténor italien Enea Scala (Léopold) s’élèvent dans les airs. La Rachel de Rachel Harnisch est sensible, l’Eudoxie de Sabina Puértolas est pétillante et elles s’allient avec émotion dans le magnifique duo du quatrième acte, lorsqu’il s’agit de sauver Léopold. Le chœur de Philip White est fabuleux, tant dans les moments où il doit déployer une grosse puissance vocale que dans ceux où, au contraire, il doit faire preuve d’une grande précision dans les détachés.

La Juive est sans contexte le succès de ce festival Pour l’Humanité et, il faut le reconnaître, cela faisait quelques temps que l’on n’avait pas entendu un public aussi enthousiaste le soir d’une première.

 

La Juive, jusqu’au 3 avril à l’Opéra de Lyon, 1 place de la Comédie-Lyon 1 / 04.69.85.54.54 / www.opera-lyon.com

Photo © Stofleh

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