Madame de Villedieu, une féministe à la cour de Louis XIV

La compagnie La Subversive recrée Le Favori (1665) de Madame de Villedieu, première pièce écrite par une femme à être jouée devant le Roi-Soleil.

Louis XIV 2Pour la deuxième année consécutive, le festival La Tour passagère s’installe quai Rambaud en bordure de Saône. Cette scène circulaire toute en bois accueille des spectacles musicaux et théâtraux de l’époque baroque revisités au goût du jour. Sur la vingtaine d’œuvres proposées figure Le Favori (1665) de Madame de Villedieu (1640-1683).

Si les manuels scolaires ne retiennent, parmi les femmes de lettres du XVIIème siècle, que Madame de Lafayette et Madame de Sévigné, elles sont pourtant bien plus nombreuses à s’être illustrées par leur talent de plume. Un travail de reconnaissance est toutefois en cours et permet de rattraper un peu cet «oubli» qui ressemble fort à une discrimination : c’est ainsi que les éditions Classiques Garnier viennent de publier le deuxième volume de leur collection Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, dans lequel on retrouve Le Favori.

Cette pièce, la première écrite par une femme à être jouée devant le roi Louis XIV, n’avait plus été représentée depuis 350 ans lorsqu’Aurore Evain et sa compagnie théâtrale La Subversive lui ont redonné vie sur scène l’an dernier. Selon la metteuse en scène, Madame de Villedieu, inspirée par la disgrâce du surintendant des finances Nicolas Fouquet (1661), y évoque avec une certaine ironie «la mise en scène du pouvoir politique absolutiste», «l’instrumentalisation de la courtisanerie» mais aussi, à travers le personnage de La Coquette, «une revendication de l’hédonisme, un hymne à la liberté et aux plaisirs contre les anciennes valeurs». Pour Aurore Evain, l’«autrice» (un terme d’usage courant au XVIIème siècle, avant qu’il ne soit banni par les machos de l’Académie française), était une féministe éprise de liberté, à qui l’on doit notamment un poème intitulé Jouissance et qui annonçait l’esprit libertin du XVIIIème siècle avec «une mise en scène de la féminité de l’époque qui va à l’encontre des stéréotypes d’aujourd’hui».

Lors de la création du Favori, les intermèdes musicaux étaient de Lully. Mais parce que les autrices ne sont pas les seules à avoir été reléguées dans l’ombre, Aurore Evain a utilisé pour cette recréation des morceaux de compositrices de l’époque baroque elles aussi négligées, comme Barbara Strozzi, Élisabeth Jacquet de la Guerre ou Antonia Bembo.

Enfin, la représentation du Favori est précédée d’une journée d’étude (jeudi 16 juin de 9h à 15h30), en partenariat avec l’Université Lyon 2 et l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (IHRIM), qui abordera plusieurs sujets autour de la pièce, notamment celui des «amitiés féminines».

Une belle occasion de découvrir un «matrimoine» musical et théâtral occulté depuis des siècles.

 

Le Favori, jeudi 16 juin à La Tour passagère, quai Rambaud-Lyon 2

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