Entretien avec Fabrice, Mister Leather France 2016

Entretien avec le Lyonnais Fabrice, qui a reçu cette année le titre de Mister Leather France décerné par l’Association Sportive Motocycliste de France (ASMF).

Cet évènement annuel consiste pour l’association à choisir des représentants régionaux de la communauté cuir avant d’élire parmi eux un représentant national. Mister Leather France participe ensuite au concours Mister Leather Europe, qui se tiendra cette année le 27 août à Helsinki.

Qu’est-ce que l’ASMF ? Qu’est-ce qui définit ses membres ?

J’ai adhéré à l’ASMF il y a peu et si j’ai fait cette démarche, c’est parce que j’en partage toutes les valeurs, sans exception : l’ouverture à l’autre, la curiosité, la bienveillance, la solidarité, la transmission, le partage et le respect. La culture cuir a déjà plus de quarante ans et comprend d’innombrables références : le perfecto de Marlon Brando, le clip de la chanson Relax de Frankie Goes To Hollywood, les personnages de Tom of Finland, ou Leatherman, le biker des Village People, qui faisait danser mes parents les soirs de réveillon et qui imprègne encore l’inconscient collectif.

C’est cet héritage qui nous porte tous et nous unit. Ma mission première est d’être le représentant de cette unité, de ces valeurs, de cette diversité aussi. Ce qui définit chaque membre de l’ASMF, c’est sa personnalité et, si nous nous nourrissons les uns les autres, c’est justement, je le crois, de nos différences.

Quel rapport entretiens-tu avec le fétichisme ?

Le cuir n’est pas qu’un fantasme pour moi. Nous ne sommes pas réductibles à la tenue que nous portons. Il y a derrière toute une littérature, une histoire, des valeurs. Je parle bien plus facilement d’”esprit cuir”, de “tradition cuir”, ou de “communauté cuir” que de fétichisme. Le cuir est comme une seconde peau pour moi, une manière de me transcender, sans me déguiser. Ce sont des sensations aussi multiples que fortes. Mes premiers contacts avec le cuir viennent, je l’avoue, de rencontres érotiques. Pendant longtemps, j’ai beaucoup admiré le cuir, son grain, sa texture, son odeur si particulière, avant de m’estimer assez mûr, assez digne peut-être, pour le porter.

Pour moi, le cuir, c’est aussi un héritage, celui d’une communauté, celui de ceux qui m’ont précédé, puis guidé. Une identité gay multiple, pas uniquement cuir, qui s’est construite, affirmée et cherchée en traversant des épreuves et des victoires. L’esprit cuir, c’est ce que j’ai envie de faire de ma vie : une histoire de découverte, de transmission et de recherche de ma propre identité, en affirmant ma différence qui devient une richesse quand je peux la partager avec le plus grand nombre.

Quels sont tes projets de Mister Leather France 2016 ? Que défends-tu et pourquoi ?

Tout d’abord, je prévois d’aller à la rencontre des autres, où qu’ils soient, pour faire partager les valeurs de la communauté cuir.

Parmi mes combats, il y a la réduction des risques liés aux drogues dites récréatives, utilisées lors de rapports sexuels (chemsex ou slam). J’ai observé, expérimenté et cela me questionne beaucoup. Je rappelle que ces drogues tuent parfois. Souvent, elles prennent tellement de place que le partenaire s’en retrouve évincé au profit d’un plaisir purement chimique, à travers lequel tout sentiment, mais également tout contrôle, est annihilé par des substances psychoactives.

Je souhaite donc travailler sur des projets locaux (tels que le Centre de santé et de sexualité de Lyon) et nationaux afin d’alerter sur la pente glissante du chemsex, qui semble toucher de plus en plus de monde. Bien entendu, je poursuivrai également l’engagement de mes prédécesseurs en faveur d’une sexualité sans risque. La capote reste aujourd’hui le réflexe premier à avoir avec ses partenaires.

Être Mister Leather France, c’est aussi aller parler à ceux qui craignent de s’assumer tels qu’ils sont, de peur du qu’en-dira-t-on ou par la faute d’une image tronquée du milieu cuir. L’un de mes projets est ainsi de lutter contre une homophobie de plus en plus décomplexée et de plus en plus violente.

 

Photo © Romuald Cortes

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