tristan et isolde

“Tristan et Isolde”, un amour contre-nature

Pour son festival annuel, intitulé en 2017 «Mémoires», l’Opéra de Lyon propose trois productions légendaires, dont une recréation du Tristan et Isolde de Wagner mis en scène par Heiner Müller à Bayreuth en 1993.

Tristan et Isolde est, à juste titre, considéré comme l’opéra de la passion amoureuse, à tel point que le poète Jules Laforgue écrivait que «Tristan est un long coït» et que James Joyce affirmait que la musique de Wagner «pu[ait]e le sexe». Mais cet amour, tant exalté par les différentes mises en scène, pourrait cacher une autre réalité.

La vie et l’œuvre de Wagner sont étroitement liées et on peut déceler dans ses opéras de nombreux éléments personnels. Dans un article de 1979, Le Roi Marke, Kurwenal et Melot ou trois évangiles de l’homosexualité wagnérienne, paru dans la revue Obliques, le musicologue Philippe Olivier proposait une lecture originale de cet opéra. En s’appuyant sur la correspondance de Wagner, sur son mode de vie, sur ses amitiés masculines (surtout celle avec le roi Louis II de Bavière), mais aussi sur le livret et la musique, Philippe Olivier, convaincu de l’homosexualité du compositeur, analysait Tristan et Isolde sous l’angle des amours masculines contrariées.

Le roi Marke, Melot et Kurwenal : tous amoureux de Tristan ?

En effet, la passion qui unit les deux amants n’est en rien naturelle. L’opéra commence avec une Isolde pleine de haine et un Tristan indifférent. La passion entre eux n’advient que par l’intermédiaire magique d’un philtre d’amour. Lorsqu’il surprend les deux amants, la tristesse du roi Marke est bien plus causée par Tristan, «le plus fidèle d’entre les fidèles», que par Isolde, sa jeune épouse. Quant à la violence de Melot, qui blesse Tristan mortellement alors qu’il en est «l’ami le plus sûr», n’est-elle pas l’expression de la jalousie et de l’amour trahi ? Enfin, Kurwenal, toujours aux côtés de «son héros, son Tristan», reste à son chevet jusqu’à la fin, tel l’amant le plus dévoué.

Pour Philippe Olivier, «ce sont autant de courants homo-érotiques très forts qui circulent entre ces personnages», jusqu’à ce que l’apparition d’Isolde et de sa magie vienne briser cette harmonie masculine… Le musicologue terminait son article en émettant le souhait de voir un jour «ces trois évangiles de l’homosexualité wagnérienne venir sur scène tels qu’ils sont vraiment». Son vœu n’est toujours pas exaucé. Mais il nous assure néanmoins qu’il faut aller voir ce Tristan et Isolde à l’Opéra de Lyon car «la mise en scène de Heiner Müller est une des plus fantastiques qu’[il ait] pu voir à Bayreuth en quarante ans de festival».

 

Festival Mémoires

Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi, du 16 au 19 mars au Théâtre national populaire, 8 place du Docteur Lazare Goujon-Villeurbanne / 04.78.03.30.00 / www.tnp-villeurbanne.com
Elektra de Richard Strauss, du 17 mars au 1er avril à l’Opéra de Lyon, 1 place de la Comédie-Lyon 1 / 04.69.85.54.54 / www.opera-lyon.com
Tristan et Isolde de Richard Wagner, du 18 mars au 5 avril à l’Opéra de Lyon

 

Photo de Une : Tristan et Isolde (Mort) de Rogelio de Egusquiza (1910)
Photo 2 : Heiner Müller © Ullstein Bild

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