Manifestation de Bash Back a Minneapolis contre la guerre en afghanistan en decembre 2009 credit Tony Webster

“Vers la plus queer des insurrections”: la violence queer, et après ?

Malgré quelques belles fulgurances, Vers la plus queer des insurrections, recueil de textes théoriques produits par feu le réseau queer radical Bash Back !, nous laisse un peu sur notre faim.

vers la plus queer des insurrectionsC’est sûr, les discours qui nous assurent que «le sexe dans l’espace public est une attaque biopolitique» sont plutôt réjouissants (et donnent une bonne raison de s’envoyer en l’air où bon nous semble). On aime aussi à lire dans Vers la plus queer des insurrections qu’un improbable «comité du trou du cul du Pentagone» accepte «le devenir fleur de l’anus», afin de «rejeter la logique marchande de la merde». Et on partage l’avis de ce-tte styliste queer anarchiste qui enjoint ses petits camarades de ne pas «succomber à ces hideux vêtements extrémistes» et de ne pas abdiquer l’inventivité vestimentaire (même en hiver).

Pour le reste, c’est peu dire que cet humour camp (pratiqué par les drag queens, drôle, cruel, volontiers subversif) est rare dans Vers la plus queer des insurrections. L’anthologie rassemble les manifestes et textes à ambition théorique de Bash Back !, réseau informel d’anarchistes queers révolutionnaires, écolos à Chicago en 2008, ayant essaimé un peu partout aux États-Unis avant d’annoncer sa dissolution en 2010. Et on n’est pas là pour faire la révolution en rigolant, quitte à entonner des refrains bien connus (sur «la fin du vieux monde», l’«anéantissement de la morale bourgeoise»…). L’esprit de sérieux est tellement de mise qu’un chapeau prend même la peine de nous prévenir que l’un des textes manie le sarcasme (ouh…).

La violence pour mot d’ordre

Le problème de Bash Back !, c’est en fait que tout est dans son nom : «cogner en retour», si possible plus fort et plus dur encore que ceux qui vous ont d’abord frappé. Le tout, ce qui n’est pas un petit paradoxe pour un mouvement anarchiste, dans un style bien autoritaire («nous devons», «il nous faut», «c’est un fait», «le beau, c’est», etc.). Les auteur-e-s aiment citer Genet ; lui, au moins, savait être radical sans produire de nouveaux mots d’ordre.

Certes, il se trouve bien un collectif trans pour faire remarquer tout ce qu’il y a de paradoxal à revendiquer une «identité queer» ; ou Le Boulevardier (le/la styliste sus-mentionné-e), pour suggérer que le fantasme de l’ultra-violence propagé par le groupe relaye «une forme de masculinité obligatoire». Pour le reste, on a surtout à faire à des appels au meurtre et à la revendication de la haine comme moteur de l’action : «nous sommes les ennemi-e-s juré-e-s et criminel-le-s, gonflé-e-s de haine, de la société civilisée» ; «l’ultraviolence queer est beauté», «nous avons dédié nos vies à la criminalité», ad nauseam.

OK. Mais une fois qu’on a pendu jusqu’au dernier de ces fachos d’hétéros (et autres ennemi-e-s de la révolution), on fait quoi ?

 

Vers la plus queer des insurrections de Frag Baroque et Tegan Eanelli (éditions Libertalia)

 

Photo : Manifestation de Bash Back ! à Minneapolis contre la guerre en Afghanistan en décembre 2009 © Tony Webster

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