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“Le Cercle de craie” : du bordel au palais

En ce début d’année, l’Opéra de Lyon propose Le Cercle de craie d’Alexander von Zemlinsky. Créée en 1933, c’est une œuvre rarement produite qui trouve son origine dans le théâtre chinois traditionnel mais qui révèle un message d’une actualité sidérante.

Écrite au XIIIème siècle par Ling Sing-Tao, la pièce Le Cercle de craie rencontre un succès retentissant en Occident au début du XXème siècle grâce à l’adaptation réalisée par l’écrivain allemand Alfred Henschke, dit Klabund. Romancier, dramaturge et poète considéré comme l’un des plus talentueux de sa génération, Klabund figure avec cette pièce parmi les auteurs les plus joués de son époque sur les scènes allemandes. Le compositeur Alexander von Zemlinsky décide de mettre cette œuvre en musique au début des années 30 puis, en 1945, c’est Bertolt Brecht qui s’en inspire à nouveau pour sa pièce Le Cercle de craie caucasien.

De l’Empire du milieu médiéval jusqu’à nos jours, Le Cercle de craie nous parle encore et la mise en scène de Richard Brunel pour l’Opéra de Lyon s’inspire de la Chine contemporaine en assumant que «toute ressemblance avec le monde réel est absolument volontaire».

Un opéra sur l’exploitation des femmes

Car Le Cercle de craie est toujours actuel : il évoque l’injustice mais aussi l’asservissement et l’exploitation des femmes. Vendue par sa mère comme prostituée à une maison de thé, Haitang est rapidement rachetée par Ma, le notable local, pour devenir son épouse de second rang. Subissant la jalousie de Yü-Pei, l’épouse de premier rang, Haitang se voit dépossédée de son enfant et accusée du meurtre de son mari. Mais le prince Pao rétablit la vérité et prend à son tour Haitang pour épouse. Il y a quelque chose de shakespearien dans ce drame qui mêle intrigue familiale, jalousie, meurtre… Cependant, tout y est retenue et pudeur. Dans une sorte de froideur implacable, les passions humaines s’effacent devant les conventions sociétales.

La force de ce drame ancien est d’évoquer des enjeux économiques qui ont toujours cours. «Filles de l’Est» ou esclaves vendus en Lybie, Le Cercle de craie dénonce le sort de ces femmes et de ces hommes qui ne sont considéré.es que comme des marchandises. C’est donc une fable ancienne et pourtant contemporaine qui nous interroge sur la place de l’humain dans notre société consumériste.

 

Le Cercle de craie, du 20 janvier au 1er février à l’Opéra de Lyon, place de la Comédie-Lyon 1 / 04.69.85.54.54 / www.opera-lyon.com

 

Photo © Jean-Louis Fernandez

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