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Freud et l’homosexualité ? «C’est compliqué» ! 

Dans son ouvrage L’Homosexualité de Freud, Lionel Le Corre revient sur les positions ambivalentes du père de la psychanalyse à l’égard des désirs homosexuels.

C’est peu de dire que les relations entre la psychanalyse et les personnes LGBTI ne sont pas au beau fixe. Après les critiques de Foucault et Deleuze, relayées par les études de genre et la théorie queer, l’aura de la discipline freudienne a pris un coup. Et ce ne sont pas les prises de position de certains psychanalystes – leur part la plus réactionnaire, mais bruyante – lors des débats sur le mariage pour tous qui ont pu arranger les choses. Lionel Le Corre, psychanalyste s’appuyant aussi sur les sciences sociales, n’élude pas la question et demande dès l’ouverture de son livre L’Homosexualité de Freud : «quelle est la valeur de ce que la psychanalyse veut dire de l’homosexualité ? Et, d’ailleurs, a-t-elle quelque chose à dire qui ne soit pas réactionnaire ?».

Il répond clairement «oui», et se (re)tourne vers Freud pour montrer que le Viennois a élaboré une conception originale et raffinée de l’homosexualité, loin des caricatures homophobes qui en sont faites – parfois par des psychanalystes eux-mêmes. Le titre, L’Homosexualité de Freud, est d’ailleurs à entendre dans les deux sens : car si Freud réfléchit au désir entre hommes, il le fait à partir de sa propre expérience et notamment de ses sentiments passionnés à l’égard de son ami Fliess, qu’il appelle un temps Liebster («chéri»). Ce moment de passion (platonique) est fondateur, puisque Freud place son ami en position de thérapeute et ressent pour lui ce qu’il appellera plus tard l’«amour de transfert», soit l’amour qu’éprouve l’analysant pour son analyste. Comme l’écrit Le Corre, «la scène primitive de la psychanalyse est donc une scène homosexuelle».

«Pour Freud, l’homosexualité reste un problème» et pourtant…

L’auteur mène une enquête minutieuse – ardue parfois mais toujours intéressante – sur tous les mots, discours, notions ayant trait à l’homosexualité chez Freud. Il rappelle que Freud prend précocement position pour la dépénalisation de l’homosexualité, s’éloigne des théories cherchant une explication biologique à «l’inversion», et renonce vite à «guérir» l’homosexualité. De perversion à soigner, le fait homosexuel en vient à jouer le rôle d’une tendance présente chez tou.tes, à même de jouer un rôle dans les plus grandes réalisations culturelles – c’est, entre autres, le sens du livre qu’il consacre à Léonard de Vinci.

L’Homosexualité de Freud bat ainsi en brèche l’idée d’une homophobie de principe de la psychanalyse. Dommage que certains points restent dans l’ombre, comme la si faible part faite à l’(homo)sexualité féminine. Ou le fait que Freud ne renonce jamais à comprendre les causes de l’homosexualité. Le Corre le reconnait dans les toutes dernières lignes : «pour Freud, l’homosexualité reste un problème», mais il laisse là le dialogue engagé avec les sciences sociales. Il nous aura au moins convaincu de l’intérêt qu’il y a à recommencer à parler avec la psychanalyse…

 

L’Homosexualité de Freud de Lionel Le Corre (Presses universitaires de France)

 

Photo : Sigmund Freud (1856-1939) photographié par son beau-fils Max Halberstadt, vers 1921

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