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“Finding Phong” et “Les Argonautes” : c’est pas leur genre…

Le livre Les Argonautes de Maggie Nelson et le documentaire Finding Phong de Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet (qui sort en salle mercredi 14 février) posent tous les deux mais chacun à leur façon la question du genre.

Elle travaille, cette question du genre. Elle ne cesse de tout bouleverser. Elle ne cesse d’inventer de nouveaux territoires, de nouveaux corps, de nouveaux noms, de nouvelles identités. Mouvantes. Personnelles. Fluides. Gender fluid, comme l’écrit Maggie Nelson dans Les Argonautes, ce stupéfiant ouvrage fluide à sa façon, ni tout à fait une autofiction, ni tout à fait un essai théorique, à propos de Harry. Harry, c’est son compagnon, celui qui dit : «je ne veux pas du genre féminin qui m’a été assigné à la naissance. Pas plus que je ne veux du genre masculin que la médecine transsexuelle me promet et que l’État finira par m’accorder si je me comporte comme il faut. Je n’en ai rien à faire de tout ça».

Maggie Nelson raconte leur amour au-delà des genres, la famille qu’ils forment avec le fils d’Harry et l’enfant qu’ils ont eu ensemble. Et à côté de ce récit intime qui n’élude rien (ni la douceur, ni la douleur), elle ne cesse de penser cette situation, d’en faire un levier pour redéfinir le rapport queer et dégenré au monde et aux autres. Elle le fait en s’appuyant sur Judith Butler bien sûr, mais aussi sur Wittgenstein, sur Eve Kosofsky Sedgwick et peut-être surtout sur Gilles Deleuze. Du philosophe français, elle cite cette formule qui dit tout du processus en cours dans ce livre : «ce qui compte dans un chemin, ce qui compte dans une ligne, c’est toujours le milieu, pas le début ni la fin. On est toujours au milieu d’un chemin, au milieu de quelque chose».

Un an de transition

Ce milieu du chemin, ce milieu de quelque chose, c’est ce que montre intensément le documentaire Finding Phong, où l’on suit, au plus près de l’intime, le chemin d’une jeune Vietnamienne, Phong, vers elle-même, vers cette fille qu’elle a toujours su être en dépit des apparences. Le récit du film dure un an, douze mois au fil desquels Phong se filme et se laisse filmer sans faux-semblants, exposant son corps qui change et sa joie de le voir changer, exposant les saisissantes interventions chirurgicales, exposant sa coquetterie et ses désirs, exposant ses proches aussi, et leurs doutes, et leur soutien… C’est très puissant. Très digne. Jamais larmoyant ou condescendant. Phong est ce qu’elle est, ce qu’elle revendique d’être, comme Harry. Chacun à sa manière, chacun dans son genre. Ça ne se conteste pas.

 

Les Argonautes de Maggie Nelson (éditions du Sous-sol)
Finding Phong de Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet
Sortie en salle mercredi 14 février

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