La passion selon Sade Antoine Gindt © Sandy Korsekwa

“La Passion selon Sade”, une oeuvre charnelle et sulfureuse à la MC2

Après l’invitation lancée en mars au Klangforum Wien, la MC2:Grenoble poursuit son exploration de la musique contemporaine avec La Passion selon Sade, du compositeur italien Sylvano Bussotti. Une œuvre qui interroge tout autant les écrits du Divin Marquis que les musiciens qui l’interprètent.

Dès sa création en 1963, le titre de La Passion selon Sade a été considéré comme provocateur. En effet, le terme de «Passion» fait référence à la mort du Christ, mais également aux chefs-d’œuvre de Jean-Sébastien Bach. Accoler ce terme au nom d’un des écrivains les plus sulfureux qui soit n’était donc pas innocent. Mais Bussotti a réussi ce tour de force de rendre hommage à Bach et à Sade dans une même œuvre.

la passion selon sade sylvano bussotti Antoine Gindt 2 © Sandy Korzekwa

Scéniquement, La Passion selon Sade est une énigme, comme l’indique son sous-titre, Mystère de chambre avec tableaux vivants. Dans la version proposée par l’ensemble Multilatérale (et mise en scène par Antoine Gindt) qu’accueille ce mois-ci la MC2:Grenoble, c’est la soprano Raquel Camarhina qui incarne à elle seule les figures majeures de Sade que sont Justine (la vertu) et Juliette (le vice). Montrant ainsi la possible coexistence de deux valeurs opposées, l’œuvre dévoile l’ambiguïté de l’âme humaine, avec sa part d’ombre et de lumière. Dans un dialogue avec Sade, interprété par Éric Houzelot, Justine/Juliette interroge son créateur sur le désir, mais aussi sur sa pensée radicale (dans les domaines de la politique, de la philosophie ou de la religion), qui continue d’irriguer nos sociétés deux siècles après sa mort.

la passion selon sade sylvano bussotti Antoine Gindt 3 © Sandy Korzekwa

Une version approuvée par Bussotti lui-même

Mais si Bussotti pose des questions par l’intermédiaire de son personnage, il n’apporte pas de réponses, et ce n’est pas non plus dans sa musique qu’il faut en chercher. Également peintre, il a écrit pour cette œuvre une partition graphique : les portées sont déstructurées, mêlées à des dessins, des symboles, des mots, qui donnent à chaque page un caractère d’œuvre d’art pictural. Ce qui se révèle évidemment un véritable casse-tête pour les musiciens, d’autant que Bussotti n’a laissé aucune indication quant à l’interprétation de ses signes. Le chef de l’ensemble Multilatérale, Léo Warinsky, a donc entrepris un travail de décodage de cette musique pour rendre au mieux les intentions du compositeur. Un travail sérieux puisque Bussotti, aujourd’hui âgé de 86 ans, a pu écouter cette nouvelle version et s’en est dit satisfait.

La Passion selon Sade est donc une excellente occasion musicale de se pencher sur les multiples visages du Divin Marquis : chantre de la liberté absolue pour les uns, précurseur du fascisme pour les autres.

 

La Passion selon Sade, vendredi 25 mai à la MC2:Grenoble, 4 rue Paul Claudel-Grenoble / 04.76.00.79.00 / www.mc2grenoble.fr

 

 

Photos © Sandy Korsekwa 

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