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Classés X – Épisode 6

[Ou comment faire des rencontres quand on est agent spécial…]

Retrouvez tous les mois un épisode de Classés X, notre feuilleton de SF queer, créé par Élise Bonnard et illustré par Cyril Vieira Da Silva.

 

Comme si la journée n’avait pas été assez longue, il fallut que l’agent Xana repasse au bureau prendre le dossier de l’affaire n°57 qu’elle avait oublié. Elle voulait mettre à jour ses notes. Elle aimait travailler la nuit. Son esprit était clair. Oui, paradoxalement, il lui semblait qu’elle était plus lucide, rapide et sûre d’elle, quand le soleil était couché. 

En arrivant devant l’immeuble, elle nota la lumière dans les bureaux du 7ème étage. Au creux de son ventre et à la racine de ses cheveux, un chaud-froid. Soudain, le trouble l’envahit. Elle se trompa : dans l’ascenseur, elle appuya sur 7 au lieu de sous-sol. Bon. Je passe juste lui dire bonsoir alors. 

classe x - illH142-fullMelvina était seule dans l’open space. Seule avec ses joujoux : trois écrans truffés de chiffres verts fluo. Ses doigts pianotaient à vitesse grand V. Elle semblait concentrée. Avec les lignes lumineuses reflétées dans les verres de ses lunettes, elle était belle. Hyper canon. Xana se demandait comment annoncer sa présence sans la faire sursauter, quand Melvina leva les yeux. Ce fut Xana qui tressaillit. Elle bafouilla : « Tu travailles tard, on travaille tard, je crois qu’il n’y a plus que nous dans les bureaux (rire nerveux), tu as faim » Elle regretta cette dernière question hors sujet. Mais Melvina n’eut pas l’air de s’offusquer. 

Lentement, la nouvelle du service informatique posa ses lunettes, se frotta les yeux, remit sa frange en place, se leva et embrassa l’agent spéciale à pleine bouche.  

Entre leurs deux corps, l’écran d’ordinateur. 

Puis, plus rien. L’espace de liberté. Leurs corps collés. La chaleur très vite. Les fesses sur le clavier, les chiffres qui s’affolaient sur l’écran, les souffles saccadés, les regards surpris, l’étonnement, la sidération de Xana, l’audace de la petite !  Les corps qui bougeaient, qui dansaient, qui renversèrent la fontaine à eau mais qui savaient où ils allaient : direction la salle de serveurs. La moquette trempée, métaphore de leur désir puissant, désir qui poussait le dos contre la machine solaris, cognait les coudes au disjoncteur à ampères, caressait les cuisses,  frottait plus rapidement, glissait les mains vers le cul, sous le pull, les tétons durs, les doigts dedans, le désir violent qui couvrait le bruit des ventilos, défiait les machines, tapait contre l’étagère métallique, tapait au rythme des petites lumières qui clignotaient partout, vertes, rouges, violettes, vertes, rouges, violettes, je goûte ses cheveux, désir de lèche, de morsure et d’ivresse comme si c’était la dernière, soif qui coïncidait, qui se plaçait exactement où l’autre voulait : cou, paupière, bouche, plexus solaire, hanche, paume, sexe. Sexe doux, noir, ouvert, mouillé, sexe moquette qui s’explora insouciamment, qui se laissa surprendre, qui se donna, qui voulait, qui voulait tellement, puis enfin, entre deux bips d’ordinateur et trois flashs rouges, signal d’alerte, bouquet final, l’orgasme simultané qui fit sauter les plombs et rire, rire si fort ! 

Les cris de joie se transformèrent peu à peu en chuchotements gênés.    

Il était tout de même gênant de se voir ainsi alors que l’on se connaissait à peine : le pantalon aux chevilles, le cœur battant, dans une sorte de placard qui sentait le plastique brûlé et l’étain de circuit imprimé. Xana ferma les yeux et fit une prière rapide à sa déesse protectrice. Elle convoquait en elle l’assurance de la nuit. 

Melvina dit simplement : « On va manger ? » 

 

À suivre… 

 

© Cyril Vieira Da Silva

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