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Redécouvrir l’insatiable Gertrude Stein

On n’en finit jamais de (re)découvrir Gertrude Stein. La reconnaissance a été longue à venir pour cette Américaine arrivée en France dans les années 1900, l’une des premières collectionneuses de Matisse et de Picasso (son grand ami), longtemps méconnue comme autrice 

Elle devient célèbre avec un drôle de livre, Autobiographie d’Alice Toklas, qu’elle publie à 59 ans, et où elle fait parler (essentiellement d’elle-même, Gertrude Stein) sa compagne depuis près de trente ansAlice. S’ensuit une tournée de conférences étonnamment triomphale aux États-Unis, où, comme l’écrit le poète Jacques Roubaud, l’Amérique de Roosevelt découvre un « animal fabuleux qu’est un écrivain d’avant-garde, qui est, de surcroît, juive, femme, monumentale et vivant avec une autre femme ». Mais depuis c’est bien l’œuvre toujours inventive, surprenante et parfois drôle de Gertrude Stein qui suscite un intérêt constant traductions et rééditions se multiplient, des poèmes entêtants de Tendres boutons à la fresque des Américains d’Amérique. En quelques mois, pas moins de deux éditions du Monde est rond paraissent : l’une est bilingue ; l’autre, illustrée, s’adresse plus directement aux enfants. Car il s’agit bien de cela : un livre de poésie expérimentale à destination des enfants (mais pas que, comme on dit à Hétéroclite).   

Les mots comme source de plaisir 
Le plus important est annoncé d’emblée dans l’avertissement que Gertrude Stein nous adresse : « Ce livre a été écrit pour qu’on en ait du plaisir ». Et après ça il n’y a qu’à se laisser faire : « Ne vous préoccupez pas des virgules qui ne sont pas là, lisez les mots. Ne vous inquiétez pas du sens qui est là, lisez les mots. » Donc, dans Le Monde est rond, il est question de Rose (neuf ans), de Willie le cousin de Rose, d’un chien nommé Love et d’un lion nommé Billie, de Billie qu’on ramène à Willie, d’une chaise que Rose emporte sur une montagne pour voir mieux le bleu du ciel (bleu est la couleur préférée de Rose). Souvent Rose chante, ce qui la fait pleurer, mais un jour elle « fait quelque chose », et grave sur un arbre Rose est une Rose est une Rose. Et c’est vrai que les virgules n’ont pas tant d’importance, tandis que Gertrude Stein nous entraîne dans son plaisir d’énumérer tous les objets du monde (qui est rond) et que, pris par cette musique naïve et savante à la fois, on se met à glisser du français à l’anglais. À la fin les cousins Willie et Rose, qui ne le sont pas, se marient, et « le monde continua à être rond » (car dans les livres pour enfants de Gertrude Stein les gens peuvent aimer qui ils veulent et la terre continue de tourner). 

 

le monde est rond-cambourakis-gertrude steinLe Monde est rond de Gertrude Stein, trad. Anne Attalie, éd. Bilingue (Seuil) et trad. de Martin Richet, illustrations d’Anne Lorenzi, (Cambourakis). En librairie. 

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