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“Hard Paint”, saudade fluorescente sur fond d’homophobie

Révélés par Beira-Mar, les Brésiliens Filipe Matzembacher et Marcio Reolon nous offrent Hard Paint, film qui esquisse le portrait d’un héros solitaire qui s’exhibe devant sa webcam avec de la peinture fluorescente alors que l’homophobie sévit dans le monde réel.

Chaque nuit, devant sa webcam, Pedro, sous le pseudo de NeonBoy, danse et s’exhibe pour de l’argent, couronnant son show sexy en s’enduisant le corps de peinture fluorescente. Il a bricolé seul cette performance artistique aussi séduisante que maladroite, dont le petit succès en ligne lui permet de survivre. C’est à l’issue de l’une de ses séances que le film le saisit, pour ne presque plus jamais le lâcher : épuisé, Pedro dort, nu, sa caméra toujours allumée captant son sommeil. Le plan dure, et à travers lui, les deux réalisateurs brésiliens révélés en 2015 par Beira-Mar, imposent d’emblée ce qui est leur signature depuis leurs débuts : ce faux rythme languide mais non exempt d’intensité qui fonctionnait si bien dans leur mini série The Nest 

Ce drôle de tempo est pour beaucoup dans la mélancolie qui sourd de Hard Paint tandis que se déploie devant nous le portrait de son jeune héros, solitaire et asocial le jour (dans une des premières séquences, on apprend qu’il a crevé l’œil d’un autre garçon), lumineux et hardi la nuit, tandis qu’il provoque et domine le désir de ses clients.   

Cela pourrait continuer ainsi, alternance de jours et de nuits, mais survient l’inattendu, un copycat dont Pedro découvre l’existence, un certain Boy25 qui réalise lui aussi des danses devant sa caméra, et lui aussi se couvre le corps de peinture fluo. Les deux rivaux se rencontrent, se produisent ensemble, et puis… 

Moments de grâce à la beauté fugace, moments presque en apesanteur, les live communs de Pedro et Leo sont ainsi des trouées dans l’isolement du premier, comme si cette idylle impromptue avait le pouvoir de briser le sortilège qui pèse sur Pedro alors que sa sœur, son unique lien avec le monde, s’apprête à partir, puisque tout le monde semble prêt à abandonner Porto Alegre, cette capitale du sud du Brésil qui porte si mal son nom. Le film bruisse ainsi de ces conversations évoquant les départs des uns et des autres : seul Pedro n’envisage pas de fuir, quand bien même la violence homophobe n’est jamais loin de se déchaîner dans l’indifférence générale.  

À la lumière de la situation politique actuelle 
Sans doute est-ce là, lorsque cela survient, que le film de Reolon et Matzembacher prend une dimension véritablement politique dans le contexte d’un Brésil qui vient de se livrer avec jubilation à un président professant le mépris et le rejet de toutes les minorités, LGBT en tête. Difficile de regarder Hard Paint en faisant abstraction de cette actualité, même si le film a été réalisé avant la dernière élection. Ce climat renforce le halo de spleen (ou plutôt de saudade, pour faire couleur locale) qui nimbe tout ce récit à l’esthétique très maîtrisée et son personnage central, roseau fragile toujours sur le point de rompre mais qui, dans un dernier plan magnifique, se redresse et reprend sa danse. 

 

hard paintHard Paint, de Filipe Matzembacher et Marcio Reolon

En salles le 15 mai

 

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