Foot : des femmes militent pour occuper le terrain

Invité·es d’un Apéro graphique des Summer Sessions du Transbo sur le thème du football, d’Ouest en fête, et du tournoi Foot de meuf, organisé par des émules lyonnaises, les Dégommeuses, club de foot féminin, lesbien et trans basé à Paris, militent depuis sept ans pour un foot inclusif qui permettraient à toutes et à tous, sans discrimination, d’occuper un terrain jusqu’ici chasse gardée du mâle alpha hétéronormé. 

Investir l’espace, occuper le terrain et pas seulement ses bords, prendre sa place là où pas grand monde ne vous la laisse. Toutes les femmes ayant un jour souhaité s’adonner à leur passion du football ailleurs que calées devant la télé ou dans une tribune vous le diront : ce jeu est un concentré de la réalité de l’espace public, il est confisqué par les hommes. Allez donc trouver un terrain, ne serait-ce que synthétique, un bout de pelouse pour vous entraîner entre filles dans un monde pareil. Le roman Poule D de Yamina Benahmed Daho, premier roman jamais recensé sur la pratique féminine du football qui fait l’objet d’études universitaires, et la récente BD de Chloé Wary, Saison des Roses, disent cela. C’est de ce constat que sont parties les Dégommeuses, association et club de foot réservé aux femmes et particulièrement aux lesbiennes et personnes trans : puisqu’on ne leur laissait pas la chance de jouer quand et où elles le voulaient, elles allaient se la créer au début des années 2010. D’abord sur les pelouses du Bois de Vincennes puis avec le temps sur des terrains plus appropriés à la pratique du football. Mais loin de se contenter de s’adonner au plaisir de la roulette ou du petit pont, « l‘idée des Dégommeuses c’est d’utiliser le foot comme un outil de lutte contre les discriminations de manière assez concrète. Il s’agit à la fois de prendre le terrain, au sens propre du terme et d’en faire un safe space pour toutes les personnes discriminées dans le monde du foot : les femmes, les lesbiennes, les trans, les réfugié·es» avance Marine Rome, co-présidente des Dégommeuses avec Cécile Chartrain. 

 « Il y a une injonction assez problématique des médias à vouloir faire de la joueuse de foot une figure très féminine, comme s’il s’agissait, pour rassurer les parents, de combattre les clichés selon lesquels ce sport serait pratiqué par des lesbiennes. »

Foot for Love 
Pour cette ancienne joueuse de bon niveau (elle a « fait le banc en D2 »), football et militantisme sont étroitement liés. Et même les Dégommeuses qui viennent pour le jeu, en recherche d’un club ou d’un carré vert, restent bien souvent pour le militantisme. Et c’est à travers l’organisation d’événements qu’il s’exprime. Acte quasi-fondateur : Foot for Love en 2012 où elles invitent une équipe des townships de Durban pour sensibiliser sur la question des viols collectifs et la situation des lesbiennes en Afrique du Sud. C’est ainsi que l’association tente de faire bouger des lignes quelques peu rigides. Car si la Coupe du monde féminine de football met magnifiquement en lumière la pratique de ce sport par les femmes et l’engouement qu’elle peut susciter, les difficultés demeurent : sur les différences de salaires et de primes, et sur l’image des footballeuses : « il y a une injonction assez problématique des médias à vouloir faire de la joueuse de foot une figure très féminine, comme s’il s’agissait, pour rassurer les parents, de combattre les clichés selon lesquels ce sport serait pratiqué par des lesbiennes. Pour nous ce sont des stratégies ouvertement lesbophobes qui font du mal au foot féminin en général, aux lesbiennes et aux petites filles qui se sentiraient différentes et ne peuvent pas s’identifier ». Une tendance qui génère un autre problème, partagé avec le football masculin, celui de l’impossible coming-out. En France particulièrement, où les joueuses sont « trop peu revendicatives », sur ce point comme sur celui des salaires : « Une chape de plomb systémique pèse sur les joueuses car les clubs, les fédérations, les sponsors ne les mettent pas en confiance. Elles ont peur et c’est normal » 

 degommeuses foot

L’exemple américain 
On ne recense ainsi aucune joueuse out en France, contrairement, par exemple, aux Etats-Unis, où des joueuses phares comme Megan Rapinoe, Ashlyn Harris et Ali Krieger affichent leur homosexualité et cassent les clichés de genre. «L’exemple des Etats-Unis [où les joueuses sont en procès avec leur fédération pour obtenir l’égalité des primes, ndlr] est très intéressant : on a Alex Morgan qui est très féminine, hétéro, mariée et super copine avec Megan Rapinoe qui est homo, out, en couple avec l’une des grandes stars du basket américain Sue Bird. C’est le bon exemple de deux joueuses qui sont exactement qui elles veulent sur et en dehors du terrain. Cette possibilité-là, on ne l’a pas en France. » La preuve, les Dégommeuses ne croulent pas sous les manifestations de soutien des joueuses pro : « Le monde professionnel n’est pas très content de nous voir prendre position sur ces sujets. C’est normal parce qu’on appuie là où ça fait mal. C’est dommage mais c’est normal. » Si le territoire à conquérir peut se mesurer en terrain de football, il reste du chemin à faire jusqu’au but final : faire du foot un instrument inclusif. 

 

© Teresa Suarez

 

Apéro graphique Kiblind – Championnes du monde 
Avec les Dégommeuses pour un atelier de sérigraphie et Chloé Wary pour l’exposition Joueuses inspirée de sa bande-dessinée Saison des Roses
Le 4 juillet à 19h au Transbordeur, 3 boulevard Stalingrad-Villeurbanne / www.tansbordeur.fr 

Ouest en fête ! 
Animations autour du sport féminin 
Le 5 juillet à 17h30, place Flammarion-Lyon 4  

J’peux pas j’ai tournoi
Tournoi Foot de meuf avec les Débuteuses 
Le 6 juillet à 13h au Stade des Chartreux-Lyon 4 / www.fb.com/lesDebuteuses 

Finale de la Coupe du monde de football féminin 
Le 7 juillet à 17h au Groupama Stadium, 10 avenue Simone Veil-Décines / www.groupama-stadium.com 

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