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“Port Authority” : un amour transgenre au cinéma

Il y a eu suffisamment de polémiques concernant les rôles de trans confiés à des acteurs et actricecisgenre pour dire à quel point Port Authority fait exception à cette règle rarement transgressée : l’ex top model Leyna Bloom, qui interprète avec autorité et grâce le personnage de Wye, est ainsi devenue la première actrice trans noire à monter les marches du dernier festival de Cannes.  

Si cette singularité n’était pas suffisante, Port Authority en rajoute une autre, peut-être plus signifiante encore puisque le film raconte rien de moins que l’histoire d’amour de cette jeune femme trans racisée avec un hétéro cis blanc. Autant dire qu’il s’agit-là d’une rareté absolue à l’écran. Alors bien sûr, cela ne va pas être un long fleuve tranquille et va se heurter à de multiples obstacles — mais on sait au moins depuis Roméo et Juliette que ce sont ces épreuves qui font les plus belles romances… D’ailleurs, les filiations entre le premier film de l’Américaine Danielle Lessovitz et le chef-d’œuvre de Shakespeare sont assez évidentes, même si c’est sans doute plus à West Side Story, déjà une déclinaison de R&J, que Port Authority renvoie. Car comme dans West Side Story, ce sont des bandes qui s’affrontent, pas des familles (même si les bandes de Wye et de Paul sont à l’évidence des familles de substitution), et que la danse tient ici une place non négligeable : en l’occurrence le voguing.

Live. Work. Pose. 
Tout juste débarqué de sa province, Paul arrive à New York pour changer de vie, et croise la route de Wye et de ses très queers amis. Le jeune homme, qui est hébergé par un groupe macho et homophobe, découvre, fasciné, un nouveau monde, une nouvelle culture, des solidarités dont il est exclu — les hétéros blancs n’ont pas leur place dans la scène ballroom, ces endroits safe pour les LGBT noir·es et latino·as… Et bien sûr, il tombe amoureux. L’un des enjeux du film sera de montrer comment il réagira en découvrant la transidentité de celle dont il est épris, et comment il va être amené à évoluer suite à cela, à se réinventer. C’est d’ailleurs peut-être une des limites de ce film que d’adopter le point de vue de Paul, le point de vue hétéro donc, pour raconter cette histoire. Pour le reste, Danielle Lessowitz fait preuve de beaucoup de respect pour ses personnages filmés de très près, pour leurs corps, pour leurs identités et genres multiples, pour leur art aussi. Car si Port Authority n’est pas Pose, les séquences de voguing, portées par des danseurs recrutés dans les bals, y sont virtuoses. Magnifiquement interprété, Port Authority offre un regard social, politique, sensuel et sensible sur une des marges les plus enthousiasmantes de notre communauté.  

Port Authority  de Danielle Lessovitz, avec Fionn Whitehead, Leyna Bloom, McCaul Lombardi. En salles. 

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