Écriture inclusive : la polémique sans fin (et sans fondement)

C’est désormais avec une certaine habitude qu’on voit resurgir, dès que l’occasion se présente, le débat sur l’écriture inclusive. Et souvent, par débat, on entend surtout un nouveau déchaînement médiatique contre cette manière d’écrire, et contre le projet qu’elle porte. 

L’écriture inclusive naît comme réponse à un constat : celui de la perpétuation, au sein de la langue, des injustices de genre.,Vous vous rappelez sûrement avoir entendu, en primaire, alors que vous découvriez les règles de la grammaire française, que le masculin l’emportait sur le féminin. Que dans un groupe nominal composé d’un nom masculin et d’un nom féminin (« un pantalon et une chemise donnés ») l’accord avec l’adjectif ou le participe passé doit se faire au masculin. Et qu’ainsi, si je suis le seul homme présent au milieu d’un groupe de 99 femmes, on devra quand même écrire : « nous sommes présents ».  

 

Genre grammatical et genre social

Par sincère méconnaissance, ou par malhonnêteté, certain·es s’attachent à présenter cette règle grammaticale comme coupée de tout contexte social. Le genre grammatical n’aurait, finalement, rien à voir avec le genre social, et ce serait par pure coïncidence que nous employons les mots « féminin » et « masculin » ; un pur hasard aussi que dans la langue, comme dans la société, le masculin prétende dominer le féminin.

Pour les linguistes ayant récemment signé une tribune, publiée dans Marianne, contre ce mode d’écriture, « la règle d’accord “le masculin l’emporte sur le féminin” ne prétend posséder aucune pertinence sociale », puisque la langue n’est pas le fruit de la décision de grammairien·nes, mais évolue avec l’usage. Un argument séduisant, parce qu’en partie vrai : les langues évoluent effectivement grâce à celles et ceux qui la parlent.

Cependant, dans le cas de la règle d’accord des adjectifs, des grammairiens ont bel et bien imposé une règle contre l’usage, en modifiant la règle de l’accord de proximité, qui accordait le genre de l’adjectif avec celui du nom le plus proche (« un pantalon et une chemise données »). Cette imposition ne s’est pas faite en un jour, et est le résultat d’une réflexion et d’une codification courant du XVIIe au XIXe siècle, où cette règle semble véritablement entérinée par l’usage. L’habitude, et un certain aveuglement, nous ont ensuite fait oublier l’origine de cette règle, alors même que les déclarations des académiciens à ce sujet ont le mérite d’être explicites, comme lorsque Nicolas Beauzée, grammairien et académicien du XVIIIe siècle, nous explique que « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ».

Qu’elle poursuive un objectif juste ne rend pas pour autant l’écriture inclusive exempte de défauts. Néanmoins, il est nécessaire d’être honnête dans ses critiques pour réfléchir intelligemment aux voies qui nous sont proposées, et sortir de l’impasse du jeu de positions. 

À lire : 

“Éliane Viennot publie Le Langage inclusif, pourquoi ? comment ?”, interview d’octobre 2018 accordée à Hétéroclite.

Tribune d’Éliane Viennot contre la proposition de loi du 23 mars visant à interdire le langage inclusif de tous les documents des services publics parue le 2 avril 2021 dans Le Monde

Pour s’entraîner :

Dictée d’écriture inclusive 100% en ligne, le 6 avril 2021 à 18h30. Pour en savoir plus : https://www.facebook.com/events/146547037373000

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