Gayphéméride de l'été 2021

Gayphéméride de l’été du 12 juin au 28 août

Notre chroniqueur Didier Roth-Bettoni fouille les archives et les mémoires LGBT+ afin de constituer son Gayphéméride, une histoire LGBT+ au jour le jour illustrée par Marie Hache. Cet été : le Pulse d’Orlando, Alexandre le Grand, les Bronski Beat…

 

Orlando Gayphéméride

12/06/2016 : massacre

C’est sans doute une des dates les plus sombres de l’histoire LGBT+ contemporaine : le Pulse, une boîte gay d’Orlando, en Floride, est le cadre d’un carnage homophobe au cours duquel 49 gays sont tués, de nombreux autres blessés alors qu’ils étaient en train de danser sur de la musique latino dans un endroit qu’ils pensaient safe. La communauté LGBT+ internationale est bouleversée par cette tuerie de masse, la plus importante jamais survenue dans un pays, les Etats-unis, pourtant familier de ce type de tragédies. Le tueur, Omar Mateen, avait 29 ans et semble s’être radicalisé sur Internet. L’Etat Islamique revendiquera son geste même si rien n’est venu confirmer qu’il ait été en contact avec l’organisation terroriste. Un musée et un mémorial aux victimes devraient ouvrir en 2022 sur les lieux du drame.

Alexandre Gayphéméride

13/06/ – 323 : mort d’un conquérant

Alexandre n’a que 33 ans lorsqu’il meurt. En si peu de temps, le petit roi de Macédoine a conquis le plus grand empire du monde, qui s’étend de la Grèce à l’Inde et à l’Egypte. La légende d’Alexandre le Grand a longtemps fait l’impasse sur ses amours homosexuelles et en particulier sur ce qui le liait à Héphaïston, son ami d’enfance.

14/06/2020 : suicide d’une militante

Le 22 septembre 2017, le monde découvrait l’image de Sarah Hegazi, jeune militante égyptienne des droits humains et des droits LGBT+, brandissant le drapeau arc-en-ciel durant un concert du groupe rock libanais Mashrou’Leila, au Caire, lui-même victime de l’homophobie qui a fait annuler plusieurs de ses concerts dans le monde arabe. Une semaine plus tard, elle est arrêtée par les services de sécurité égyptiens, accusée “d’incitation à la débauche dans un lieu public”. Libérée sous caution en janvier 2018, après un passage en hôpital psychiatrique pour troubles post-traumatiques, elle déclare dans une interview : “La prison m’a tuée”. Elle s’exile au Canada. C’est là qu’elle se donne la mort, à 30 ans à peine. Elle laisse une note manuscrite : “À mes frères et sœurs : J’ai essayé de trouver le salut… mais j’ai échoué. Pardonnez-moi. À mes amis : l’épreuve est dure et je suis trop faible pour l’affronter. Pardonnez-moi. Au monde : tu as été extrêmement cruel et je te pardonne.

Bronski Gayphéméride

16/06/1984 : un hymne est né

Un jeune homo quitte sa petite ville où il est victime d’homophobie pour aller vivre sa vie ailleurs… Premier single du groupe Bronski Beat, Smalltown Boy, porté par la voix de Jimmy Somerville, est un succès international et devient un hymne gay.

17/06/2007 : la nuit lesbienne s’éteint

Dix ans après sa création par Michèle Cassaro, le Pulp, le plus emblématique des clubs lesbiens parisiens, ferme définitivement ses portes. Situé 25 boulevard Poissonnière, à l’emplacement d’un autre club lesbien, L’Entracte, le Pulp va imposer une nouvelle génération de DJ menée par Sextoy, Chloé, Jennifer Cardini mais aussi Arnaud Rebotini ou Ivan Smagghe. Une nouvelle identité lesbienne s’y forge, un fanzine branché et barré (Housewife) y naît, des soirées folles telles Kill the DJ ou Paradise Massage s’y épanouissent.

27/06/2008 : un couple pas si secret

Les couples lesbiens sont rares à la télé française. Dans ce désert, difficile de ne pas remarquer Samantha et Nathalie, deux jeunes Belges qui font les belles heures de Secret Story 2, sur TF1 avec en prime une demande en mariage. Elles se sont séparées quelques mois après l’émission. 

29/06/2008 : le premier homme enceint

En donnant naissance à sa fille Susan, l’Américain Thomas Beatie devient le premier homme trans à accoucher. Il aura deux autres enfants dans les années suivantes et participera en 2016 à une émission de télé réalité où il perd en finale. 

30/06/1982 : adieu aux homophiles

Fondée en 1954 par André Baudry, Arcadie est la première et la plus importante association homosexuelle française — son créateur et ses membres préféraient le terme “homophile”. Durant vingt-huit ans, sous la houlette autoritaire de Baudry, Arcadie est un club de rencontres, de convivialité, de débats qui réunit plusieurs milliers de personnes, ainsi qu’une revue. Préférant la discrétion au militantisme politique, elle est bousculée par l’irruption des mouvements militants nés au début des années 1970. C’est André Baudry lui-même qui annonce sa dissolution avant de quitter la France pour Naples, où il meurt en 2018.

3/07/1981 : apparition du cancer gay

Rare cancer seen in 41 homosexuals” : c’est avec ce titre d’un court article du New York Times que le monde apprend, dans une indifférence certaine, l’existence de ce qui ne s’appelle pas encore le sida.

6/07/1750 : les pédés au bûcher !

A Paris, sur la place de Grève, Bruno Lenoir et Jean Diot sont brûlés vifs pour sodomie. Ce sont les deux derniers cas de condamnation à mort pour homosexualité en France. Bruno Lenoir, cordonnier de 20 à 25 ans, et Jean Diot, domestique de 40 ans, avaient été surpris par un sergent du guet “en posture indécente” le 4 janvier précédent. Une plaque commémore leur souvenir rue Montorgueil, où ils avaient été arrêtés.

9/07/1965 : une athlète au placard

Considérée comme une des meilleures sprinteuses de son époque, détentrice de deux médailles olympiques, la Polonaise Ewa Klobukowska bat le record du monde sur 100 mètres, son troisième exploit après avoir battu à deux reprises celui du 400 mètres. Pourtant, deux ans plus tard, ses records sont effacés des registres officiels et elle doit quitter le sport professionnel. En cause : la décision en 1966 des instances sportives d’instaurer un test de vérification obligatoire du sexe des athlètes sous la forme d’un examen gynécologique. Selon ce test, Ewa Klobukowska souffrirait d’une “féminité insuffisante”, liée à la présence d’un chromosome excédentaire. Par la suite, ces procédures de test se sont révélées inexactes et le cas d’Ewa a conduit à un changement des politiques de vérification du sexe dès les Jeux Olympiques de 1968. On ne lui a pourtant pas attribué à nouveau ses records. Ewa Klobukowska n’a jamais repris la compétition.

14/07/1977 : Elula préfère les femmes

Elegante bourgeoise très éloignée du cliché de la lesbienne butch, créatrice en 1969 du mythique club le Katmandou, Elula Perrin revendique haut et fort son “homosexualité heureuse” à la télévision dans l’émission L’Huile sur le feu, où elle est venue parler à Philippe Bouvard de son livre Les femmes préfèrent les femmes. Brillante, libre, le verbe haut, elle devient une des rares images des lesbiennes dans les médias de l’époque.

18/07/1960 : nous sommes un fléau social

Obscur député gaulliste de Metz, Paul Mirguet fait adopter par l’Assemblée Nationale le sinistre amendement qui porte son nom : afin de réprimer et de combattre l’homosexualité, celle-ci est désignée comme un “fléau social” au même titre que l’alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution. Cette définition permet un doublement des peines minimales encourues pour outrage public à la pudeur « lorsqu’il consistera en un acte contre nature avec un individu de même sexe ». Entré en vigueur le 30 juillet, l’amendement Mirguet ne sera abrogé qu’en 1980.

27/07/1928 : roman à scandale

Publication en Grande-Bretagne du roman Le Puits de solitude, de Radclyffe Hall, qui devient instantanément un classique de la littérature lesbienne grâce notamment au parfum de scandale qui l’entoure. La presse et les politiciens conservateurs se déchaînent contre le livre qui est bientôt interdit. Aux États-Unis, il s’en vend plus d’un million d’exemplaires dans les années qui suivent. Le Puits de solitude ne sera autorisé qu’en 1943 en Angleterre, après la mort de son autrice.

4/08/1982 : s’aimer à 15 ans

On parle souvent de “dépénalisation de l’homosexualité” pour évoquer la loi qui abolit l’alinéa 2 de l’article 331 du Code Pénal. Il s’agit en fait de l’abolition de la distinction discriminatoire datant de 1942 dans l’âge du consentement entre rapports homosexuels et hétérosexuels. La majorité sexuelle était (depuis 1974) de 15 ans pour les hétéros et de 18 ans pour les homos. Elle est désormais de 15 ans pour tous.

28/08/1982 : le sport pour toustes

San Francisco accueille la première édition des Gay Games, créés par l’athlète et activiste Tom Waddell : 1350 participant·es venant de 15 pays se lancent dans la compétition tandis que Tina Turner assure le show d’ouverture.

 

© illustrations Marie Hache

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