Les travaux de la chercheuse Yaël Eched problématisent le vide politique, statistique et symbolique qui existe autour de la santé sexuelle des lesbiennes.

Santé sexuelle des lesbiennes : échange avec Yaël Eched

Doctorante en sociologie à l’EHESS, Yaël Eched s’intéresse à la santé sexuelle des lesbiennes, bies et des personnes trans face au VIH-sida, et notamment à la perception du risque et des pratiques de prévention.

Les travaux de Yaël Eched problématisent le vide politique, statistique et symbolique qui existe autour de la santé sexuelle des lesbiennes. Historiquement, les mouvements lesbiens ont milité dans le cadre d’urgences sanitaires (contraception, VIH-sida) mais se sont très peu mobilisés sur des questions de santé qui leur étaient propres. La dépendance structurelle aux milieux gays et féministes, et plus largement le faible capital social, matériel et symbolique lié au statut de femme lesbienne, ont construit les enjeux sanitaires lesbiens comme subalternes. Aujourd’hui, le manque de données socio-épidémiologiques, le problème de formation des soignant·es ainsi que les discriminations auxquelles les lesbiennes sont confrontées continuent d’entraver leur accès au soin et à la socialisation préventive.

Script sexuel, culture érotique : un rapport différencié à la prévention

En matière de prévention, il existe selon Yaël Eched un problème de fond : « On calque sur les lesbiennes un modèle de prévention qui est centré sur la sexualité des hommes, gays et hétérosexuels ». La digue dentaire et les gants en latex ont ainsi été créés pour mimer le « geste préventif par excellence » qu’est la pose du préservatif externe – dit masculin. Très peu utilisés, ces objets ne s’inscrivent pas dans la réalité des pratiques observées. Le script sexuel centré autour de la pénétration pénienne, qui implique une « pause capote », n’est pas forcément pertinent chez les lesbiennes, compte tenu tant de leur rapport différencié à la temporalité, que de la plus grande diversité de leurs pratiques. Parce qu’il peut intervenir n’importe quand, le « moment prévention » n’arrive souvent jamais. 

L’automatisme de la prévention « barrière », qui empêche la mise en contact – séparant fluides et muqueuse par un carré de latex – rentre également en contradiction avec un des motifs récurrents de l’imaginaire érotique lesbien : le partage des fluides. Humidité, cyprine et fluides sexuels ont en effet « fondé une partie de la culture érotique lesbienne ». Or, dans un contexte de sexualité minoritaire et dominée, Yaël Eched estime que cette barrière va d’une certaine façon « rejouer la mise sous silence de la sexualité lesbienne par l’hétérosexualité ».

Rappelant que la santé sexuelle ne se limite pas à l’absence de contamination, Yaël Eched appelle enfin à une approche sanitaire transversale qui incorporerait la question des violences sexuelles, des conduites addictives et du dépistage. Les IST telles que l’herpès et les chlamydias circulent fortement dans les communautés lesbiennes : au-delà de « réinventer des objets préventifs cohérents avec les pratiques », il conviendrait surtout de prioriser des structures de dépistage régulières.

Pour aller plus loin

[REPORT] Intervention de Yaël Eched sur la santé sexuelle des lesbiennes dans le cadre du Mégagouinefest, festival lesbien qui se tiendra en juin 2022 à Villeurbanne /  Pour être tenu·e informé·e des nouvelles dates : http://megagouinefest.sitew.fr et sur Instagram.

© Illustration Annabel Trotignon

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