Parlez-vous Klokobetz ?

Lucille Reiboz

Nosfell a sorti en juin dernier son troisième album, Nosfell, dernière pièce d’un triptyque commencé cinq ans auparavant. Il nous conte la suite de l’histoire de Klokochazia (le monde qu’il a créé) dans une langue qui lui est propre : le Klokobetz, mélange de sonorités anglaises, slaves, orientales… Nosfell est son œuvre la plus directe, la plus brute, la plus punk mais aussi la plus racée. Beaucoup de rencontres pour l’élaboration de ce nouvel album dans lequel Nosfell fait toujours preuve d’autant de fantaisie : human beat box, violoncelle, respiration, banjo, sonorités labiales…

On retrouve beaucoup de collaborations sur votre dernier album : Daniel Darc, Josh Homme, Brody Dalle… La réalisation à été confiée au producteur et musicien californien Alain Johannes. Vous ressentiez le besoin de vous confronter à d’autres artistes ?
Pas spécialement. Nous nous sommes rencontrés durant l’écriture de ce disque. Les choses se sont faites naturellement, avec beaucoup de plaisir. J’ai beaucoup pensé à Daniel en écrivant la chanson qu’il interprète (La romance des cruels). J’ai été très touché qu’il veuille la chanter. C’est un très grand artiste et un être précieux. Quant au titre auquel Brody et Josh participent, je l’avais d’abord enregistré seul. Nous n’y avions pas touché pendant un moment, puis, après un bon repas, on s’est dit que ça serait cool de faire ce titre ensemble.

Nosfell est un disque à la production très léchée. On a l’impression que peu de place est laissée au hasard ; vous aimez tout contrôler ?
Il y a beaucoup d’éléments que je cherche à contrôler, c’est vrai ; mais souvent ce sont eux qui me contrôlent. Je me sens par exemple souvent accroc aux concepts. Je n’en étais pas trop conscient avant. Néanmoins, si la plupart des chansons ont été écrites avant d’aller en studio, jusque dans les moindres arrangements, d’autres ont été enregistrées sur le vif et «conscientisées» sur place, au moment du mixage. Le titre Høwrnelim plirb, par exemple, est une improvisation totale qu’Alain avait enregistrée à notre insu. La chanson Mari Dûs est partie d’une improvisation de batterie sur laquelle Pierre et moi avons spontanément trouvé la suite d’accords et la mélodie.

Vous apparaissez souvent nu ou dévêtu sur la pochette des albums comme sur les photos de presse. C’est une juste illustration de votre univers ? Doit-on y voir un sens particulier ?
Je voulais aller à l’essentiel avec ce disque. Ces images pourraient être la part brute de mon personnage. Pendant longtemps, mon corps à été mon costume. Les tatouages que je porte représentent des scènes importantes de l’endroit dont je parle sur scène ou dans les disques. Je ne suis jamais vraiment nu en fait !

Un des sujets du bac de philo cette année était «le langage trahit-il la pensée ?», qu’en est-il du Klokobetz ? Quelle est l’origine de cette nouvelle langue ?
J’ai souvent considéré le klokobetz comme une couleur de la pensée. Aujourd’hui il fonctionne pour moi comme la pensée de mon langage. Je ne qualifierais pas ce langage de «nouvelle langue». Il ne cherche pas à s’inscrire dans une société donnée, ni à faire des adeptes ; et surtout, même s’il s’articule autour d’une syntaxe, d’un vocable etc. il n’a pas les mêmes qualités que les langages existants ! Il me vient de mon père, qui entretenait avec moi un lien particulier et intime. Ce travail sur le langage me permets de mieux comprendre cette histoire paternelle, et par extension de mieux me comprendre moi-même. Sans la musique, je ne trouvais pas de place pour ces ensembles de mots, ces tonalités, ces expressions. Ils devenaient entêtants et me plongeaient dans des états proches de l’autisme. Allier cette névrose à mon amour pour la musique me permet de rééquilibrer mon rapport à l’extérieur.

Cet album constitue le dernier volet d’un triptyque entamé en 2004. Est-ce aussi la fin d’un cycle ? Pensez-vous quitter un jour définitivement le Klokochazia ?
Ce disque ne m’éloigne de cet endroit (du moins pas pour l’instant). J’arrive aujourd’hui, à travers cet opus, à me représenter les événements qui complètent ceux des précédents (car pour moi chaque chanson est un événement). Ce qui termine un cycle en effet. Il n’est pas exclu qu’un autre apparaisse plus tard. Je m’efforce toujours d’être en phase avec ce que j’ai envie de raconter. La fin de ce triptyque me laisse en tout cas plus d’air et plus de liberté pour envisager la suite.

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