Noémie Chust : Tout se transforme

Dans sa BD L’Avant-match, au style graphique sublime, Noémie Chust se penche avec brio sur la vingtaine. En partageant un après-midi en compagnie de deux amies aussi proches que différentes, l’autrice rend hommage à cet âge de la transition, tout en douceur.

L’ouverture d’un livre de Noémie Chust n’est pas sans danger. Nous sommes encore sous le coup du K.O. graphique que représentait Flair, son précédent et onirique roman graphique sorti chez Quintal en 2022. Des traits libres, une technique mixant lignes coupantes et textures granuleuses et une science fofolle de la composition ont eu raison de nos certitudes visuelles. Nous en étions resté·es là, le regard hagard, l’équilibre instable et le merveilleux au bout des doigts.

Mais l’artiste évolue, et si on apprécie la constance, les métamorphoses ne sont pas pour nous déplaire non plus. Ainsi, pour cette première bande dessinée cartonnée, la Parisienne a-t-elle souhaité s’offrir un cadre. Non que des fers aient été posés, durs et froids, sur son invincible liberté mais bien plutôt que sa fougue se soit vue maîtrisée par une histoire qui le nécessitait. Figurez-vous qu’il y a même des cases.

La compétition d’escrime

Nous sommes à un jour d’une importante compétition d’escrime pour Corky. Un avant-match, donc. Et la jeune femme a souhaité passer ce moment de flottement en compagnie de son amie Violette, une sorte de contraire qui joue les compléments. Car si Corky est une taiseuse, aux paroles rares et directes, Violette se la joue poète bavarde. Entourée de livres et de jeux, cette dernière disserte facilement sur ses sentiments et son intimité, ouvrant à chaque fois le dialogue et le refermant aussi bien. Avec ces deux-là, nous passons un après-midi où il ne se passe rien mais où tout est dit. À peine la vingtaine, Violette et Corky sont à l’aube de leur vie d’adulte. Le soleil n’est pas encore là, mais il se lève, patiemment, faisant la lumière sur ce qui compte vraiment. 

C’est l’histoire de cette transition qui nous est racontée. Une transition vers la maturité, l’œil rivé sur les changements en cours ou à venir, sur cette zone de transfert qui agit sur leur être, leurs intérêts, leur relation même. Sont-elles ou seront-elles en couple ? Peu importe. C’est le ici et maintenant qui compte, le constat qui est en train d’être fait entre une vie qui finit et une autre qui commence, marquée par un événement de choix : la compétition d’escrime.

Comme l’existence de ces deux filles, le dessin de Noémie Chust mute lui aussi. Passant de cases bien carrées à des double-pages libres de toutes règles, le style de cette ancienne diplômée de la HEAR s’adapte aux situations et états d’esprit de ses personnages. Une spontanéité enfantine et un savoir-faire adulte s’allient pour illustrer l’entre-deux dans lequel nagent avec allégresse Corky et Violette. Happé·es par la beauté de ces pages et la profondeur qui en découle, on se verrait bien, nous aussi retourner vers ces années où, si la transformation est inexorable, il nous reste à choisir ce que nous souhaitons devenir.

À LIRE

L’Avant-match de Noémie Chust (Fidèle). En librairies.