Quand le Parlement européen s’empare des questions LGBT

Le rôle du Parlement européen reste encore limité mais n’est pas pour autant négligeable ; adversaires et partisans de l’égalité des droits s’activent donc à l’approche des élections européennes.

Depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, l’abstention à ce scrutin transnational n’a cessé d’augmenter dans chacun des pays membres : en France, elle atteignait ainsi 59,37% en 2009, un record qui devrait être battu, selon les sondages, dimanche 25 mai. Il faut dire que la seule institution européenne directement élue par les citoyens ne dispose pas de l’initiative législative (c’est-à-dire du pouvoir de proposer des lois), qui appartient à la seule Commission européenne, ce qui peut donner aux électeurs le sentiment que leur vote est inutile. Les pouvoirs du Parlement européen se sont cependant considérablement accrus ces dernières années et, depuis le traité de Maastricht (1992), il partage son pouvoir de voter et d’amender la législation européenne avec le Conseil de l’Union européenne (également appelé Conseil des ministres) dans un grand nombre de domaines.

En matière d’égalité des droits et de protection des personnes LGBT, il exerce ainsi une influence limitée mais non-négligeable. Celle-ci passe notamment par le vote de résolutions, juridiquement non-contraignantes et dont le poids est donc avant tout politique et symbolique. Durant la législature qui s’achève (2009-2014), le Parlement européen a ainsi voté plusieurs résolutions demandant l’abrogation des lois homophobes en Russie, en Iran ou en Afrique (en Ouganda, au Nigeria ou au Malawi). Il contrôle également les dépenses du budget européen : il peut ainsi voter, comme en décembre dernier, des crédits affectés à des projets de la société civile destinés à aider les personnes LGBT à défendre leurs droits.

Deux rapports combattus par les homophobes

Au sein même du Parlement européen, l’une des vingt commissions permanentes est chargée de défendre les droits des femmes et l’égalité des genres tandis qu’un «intergroupe pour les droits LGBT» rassemble 174 eurodéputés, tous groupes politiques confondus – à l’exception du groupe Europe libertés démocratie (droite eurosceptique). Mais ces derniers mois, ce sont surtout deux rapports débattus par le Parlement européen qui ont fait couler beaucoup d’encre – et donné parfois lieu à des interprétations complètement fantaisistes.

Le Parlement européen à Strasbourg copyright Alexandre Prevot heteroclite mai 2014

Le premier, le «rapport sur la santé et les droits sexuels et génésiques», présenté par l’eurodéputée Edite Estrela, proposait d’étendre l’accès des femmes à la contraception et à l’avortement. Il a été rejeté en décembre, après un vote dont la sincérité a pu être entachée par une erreur de traduction… Le second a eu plus de chance : défendue par l’eurodéputée Ulrike Lunacek, cette «feuille de route contre l’homophobie» a finalement été adoptée à une large majorité, malgré l’opposition de la quasi-totalité des eurodéputés de droite et d’extrême-droite français. Contrairement au rapport Estrela, le rapport Lunacek ne dit cependant rien de l’accès des couples lesbiens à la procréation médicalement assistée…

La Manif pour tous en embuscade

Dans les deux cas, La Manif pour tous est montée au créneau pour dénoncer une offensive du «lobby homosexuel», visant à instaurer «une loi Taubira européenne». Tant pis si ni le mariage, ni l’adoption ne font partie des compétences dévolues aux institutions européennes aux termes de l’article 4 du traité de Rome (1957). Tant pis également s’il ne s’agissait-là que de «rapports d’initiative», c’est-à-dire de documents non-contraignants adressés à la Commission : libre à elle ensuite de suivre ou non leurs recommandations.

Mais dès cette année, l’influence du Parlement sur la Commission sera renforcée : en effet, pour la première fois, le Conseil européen devra proposer un(e) candidat(e) à la présidence de la Commission «en tenant compte des élections au Parlement européen», qui devra ensuite valider ou non par un vote le choix de ce(tte) candidat(e). D’où l’importance, pour les partisans comme pour les adversaires de l’égalité des droits, de faire élire des eurodéputés sensibles à leurs idées. L’association LGBT ILGA-Europe a ainsi lancé une campagne appelant les candidats aux élections à se positionner par rapport à ses revendications. Quant à la Manif pour tous, elle n’est pas en reste : après avoir renoncé à présenter ses propres listes, elle demande également aux candidats de se prononcer sur huit «principes européens pour la famille et pour l’enfant»…

 

Élections européennes, dimanche 25 mai

 

Photos : le Parlement européen à Strasbourg © Alexandre Prévot

 

 

Le Parlement européen en chiffres

– 751 députés à élire pour cinq ans entre le 22 et le 25 mai (selon les pays), dont 72 Français
– 7 groupes politiques (+ des députés non-inscrits)
– 6 573 groupes d’intérêt («lobbys»)
– 20 commissions permanentes
– 2 sous-commissions permanentes
– 2 commissions spéciales

2 commentaires

  • Rémi

    Si LMPT n’a pas présentée de listes autonomes aux élections européennes, c’est que ses animateurs connaissaient le grand risque d’un résultat ridicule, annihilant totalement leur combat.
    Ils ont comme le dit l’article, demandé aux candidats conservateurs de soutenir un ensemble de principes.

    Malgré une nouvelle agitation au sujet du genre, et un élément de langage ; le lobby gay, ce mouvement par sa radicalité finit par se couper de sa base la plus large au profit de groupuscules d’exaltés.
    Il n’en reste pas moins qu’il faut resté vigilant et se méfier d’un amendement de loi passé inaperçu et “glisser” au bon moment pour qu’il remettent en cause les droits acquis.

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