Cyril Teste adapte à la scène le film “Festen” de Thomas Vinterberg
Cela devient une habitude pour les Célestins d’accueillir les spectacles de Cyril Teste. Après Nobody sur l’univers de l’entreprise la saison dernière et en attendant Opening Night avec Isabelle Adjani en mars prochain, le théâtre municipal de Lyon propose Festen, d’après le film de Thomas Vinterberg, réalisé en 1998.
Film emblématique du renouveau du cinéma danois de la fin des années 1990, Festen est la première œuvre à répondre aux critères du Dogme95, développés par Lars Van Trier et Thomas Vinterberg en 1995. Ce mouvement cinématographique se développe en réaction aux superproductions américaines, accusées de lénifier tout propos et de formater la création, notamment par l’abus d’effets spéciaux. Par opposition, les défenseurs du Dogme95 privilégient une prise directe avec le réel qui se manifeste par la suppression du traitement de l’image et de l’ajout de sons ou de musiques en postproduction ou encore par le recours à l’improvisation, le tout filmé caméra à l’épaule. Ce nouveau souffle sur la création cinématographique danoise est d’ailleurs salué par le Festival de Cannes, qui décerne le Prix du Jury à Festen en 1998.
L’imbrication entre cinéma et théâtre, qui constitue le cœur même du travail de Cyril Teste et du collectif MXM, n’est sans doute pas étrangère au choix de monter le film de Vinterberg sur les planches. En effet, l’utilisation de la vidéo n’a pas valeur illustrative chez Teste, comme cela peut parfois être le cas dans les salles de théâtre. Au contraire, la performance filmique est constitutive du processus de création théâtrale du metteur en scène originaire de Carpentras.
Quelque chose de pourri au royaume du Danemark
Non seulement la charte de la performance filmique établie par Teste et le collectif MXM, avec son exigence de tournage, de montage et de mixage en direct sous les yeux du public, fait étrangement écho aux préceptes du Dogme95, mais le metteur en scène voit également dans le film de Vinterberg une relecture d’une pièce emblématique du théâtre shakespearien, Hamlet.
Festen se déroule en effet durant un repas donné à l’occasion des 60 ans de Helge Klingenfeldt, le patriarche d’une famille bourgeoise. La fête prévue tourne au pugilat lorsque l’un des fils, Christian, brise l’omerta et dénonce l’inceste dont lui et sa sœur jumelle suicidée ont été victimes. Pour Teste, cette histoire rappelle le besoin impérieux d’Hamlet de venger le meurtre de son père, après que le spectre de ce dernier lui soit apparu. Plus que l’existence même du secret de famille, c’est la manière dont celui-ci est entretenu par chacun des membres de la famille qui fascine le metteur en scène. La parole enfin libérée de Christian se retrouvent en effet mise en doute, niée, voire tue à nouveau. C’est cette intimité du scandale, et la manière insidieuse dont il redessine les rapports interpersonnels, que Teste se propose d’explorer à travers sa méthode de création hybride.
Festen, du 12 au 16 juin aux Célestins, 4 rue Charles Dullin-Lyon 2 / 04.72.77.40.00 / www.theatredescelestins.com
Photos © Simon Gosselin
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