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Alison Bechdel réussit le test

Alison Bechdel est une incontournable autrice de BD lesbienne américaine, connue là-bas pour ses chroniques Dykes to watch out for publiées dès 1983 dans la revue féministe new-yorkaise Womanews. En France, il aura fallu attendre 2016 pour en lire la traduction (L’Essentiel des gouines à suivre) et c’est d’abord par son roman graphique autobiographique, le sublime Fun Home qu’elle se fit connaitre en 2006. Elle reste injustement plus connue pour le test auquel elle a donné son nom, ces trois fameuses questions qui nous permettent de déterminer le sexisme d’une œuvre, que pour la beauté de son travail. 

Ce 31 août a paru son dernier ouvrage Le Secret de la force surhumaine, récit d’une quête, celle de ce secret que nous rêvons toutes et tous de percer parce qu’il nous permettrait de supporter les doutes, le deuil, le vieillissement ainsi que notre mortelle condition. Rien que ça. Récit de sa vie, à bientôt 60 ans, un chapitre par décennie. À la mise en couleurs des dessins, sa partenaire, Holly Rae Taylor, à laquelle l’ouvrage est dédié. 

C’est essentiellement par l’angle de sa pratique quasi maniaque du sport qu’elle aborde ce récit. Le sport avec ses bienfaits, ses passions mais aussi ses récupérations par le système capitaliste. On voyage avec elle entre le lieu de son enfance, l’université, les festivals en non-mixité, les montagnes qu’elle gravit à pied, à vélo et à ski, l’océan un peu et beaucoup sa maison du Vermont au milieu des bois. Via un mouvement permanent de l’intérieur vers l’extérieur, de son bureau vers les sommets, de ses pensées intimes et ses tourments (jusqu’à la dépression) vers l’élaboration de son travail, Bechdel nous livre une touchante mise en scène du processus créatif. 

Son travail abonde en références littéraires, historiques et spirituelles, le tout nettement teinté par son expérience de la cure analytique. On y croise entre autres Kerouac et Janis Joplin. On traverse l’histoire récente des États-Unis, de Nixon à Trump en passant par le 11 septembre. Et puis, lire Bechdel, c’est aussi voyager dans une histoire lesbienne, intime et universelle. C’est, pour qui l’a vécu, retrouver avec tendresse le Tomboy d’une enfance obligée de porter des robes, le militantisme et les tentatives d’inventer d’autres modalités amoureuses. Il y a beaucoup de générosité dans les livres de Bechdel et on ferme ce dernier avec le sentiment bienheureux d’une bonne rando entre gouines. 

À lire 

Le Secret de la force surhumaine d’Alison Bechdel (Denoël). En librairies.

©Elena Seibert

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