Djalil Djezzar

Djalil Djezzar : Violences sourdes au salon 

Avec Le Salon marocain publié en 2019, l’auteur lyonnais Djalil Djezzar signe son premier roman autobiographique dans lequel il témoigne de son parcours de reconstruction après avoir été sexuellement abusé par son père et non protégé par sa mère. Le livre a été récompensé par le Prix du Roman Gay 2019, dans la catégorie Découverte.

C’est un livre qui fait penser à ce beau vers des Fleurs du mal de Baudelaire : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Le narrateur fait preuve de cette vertu alchimique de transformer « la boue » en « or » et la laideur en beauté. Il raconte dans ce récit son chemin de reconstruction après avoir été un enfant non désiré et abusé sexuellement par son père.

Le choix du récit autobiographique nous permet de découvrir le narrateur face à plusieurs obstacles de son existence : le patriarcat et le poids des traditions, la lutte des classes populaires et des transclasses, l’omerta familiale autour de l’inceste et l’homophobie intériorisée. 

C’est donc par l’angle de l’intime que se révèlent à nous les détails de ce livre. Le narrateur est né à Villeurbanne dans un foyer étouffé par la tradition. Le père est violent et la mère endure ses violences dans le silence. Dès l’enfance, le narrateur n’a d’autres choix que de se battre pour (sur)vivre. Très jeune, il révèle à sa mère les attouchements incestueux que lui fait subir son père. La mère explique cela par le jeu et détourne le regard. 

Mais cet enfant est bien décidé à avancer, il poursuit ses études et se forge, dans un rythme effréné, une carrière professionnelle remarquable. Jusqu’à ce qu’il rencontre Nicolas, son premier amour. Il prend conscience de son homosexualité, et particulièrement du blocage qui l’empêche de s’épanouir sexuellement. Une pause dans le temps et un retour  dans le passé  s’imposent, particulièrement quand le narrateur apprend que son neveu est à son tour victime des mêmes violences. Une nouvelle étape judiciaire commence pour briser le cercle du silence.

Le récit est ainsi ponctué par des moments marquants de la vie du narrateur. Via un va-et-vient entre la narration et l’auto-analyse, la réflexion gagne en profondeur et nous livre un récit intime et militant. Le questionnement en filigrane – comment se reconstruire de manière équilibrée après avoir subi des agressions sexuelles incestueuses ? – nous accompagne tout au long de la lecture. Ce livre mérite qu’on le range dans les rayons de notre bibliothèque militante, car il est un témoignage dans lequel beaucoup se reconnaîtront.

Djalil Djezzar

À lire

Le Salon marocain de Djalil Djezzar (Éditions Textes Gais). En librairies.

©Camille Lenain

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