Lulu, y es-tu ?

Le monde musical ne cesse de découvrir, depuis le 19e siècle, que la femme est éprise de liberté. Carmen sera libre jusqu’à la mort. Au 20e siècle, Lulu, femme désirée par tous et toutes, femme fatale, perdue, mourra aussi librement. Berg, fondateur de l’École de Vienne avec Schönberg et Webern, compose Lulu, opéra d’une exceptionnelle puissance dramatique. Il faut dire que l’École de Vienne est à l’origine de l’une des mutations les plus extraordinaires du 20e siècle. Le système tonal est mis à mal au profit d’une musique atonale où les repères ne sont plus du tout les mêmes. Atonalité, musique sérielle (par série donc), dodécaphonisme… Une écriture radicalement nouvelle s’affirme et rompt avec les codes installés fortement depuis plus de trois siècles. Berg est le plus conciliateur des trois compositeurs, sa musique jongle sans cesse entre tonalité et atonalité, il va même jusqu’à emprunter la mélodie d’un Choral de Bach dans son bouleversant Concerto à la mémoire d’un ange. Lulu représente l’essence même de l’écriture de Berg, rapport parfait entre tonalité et sérialisme. Mort en 1935, il n’a pas pu orchestrer le troisième acte et c’est pourtant dans sa version complète que l’opéra de Lyon a programmé Lulu. En effet, en 1979, le compositeur autrichien Friedrich Cerha finit d’orchestrer le troisième acte. Il en est sorti un chef-d’œuvre total, créé à Paris par Pierre Boulez la même année. Berg scrute avec son dernier opéra la misère de la condition humaine dans ses moindres recoins. Personnage ambigu, à la fois bourreau et victime, Lulu fascine encore. Elle épouse un professeur de médecine qui meurt d’une crise cardiaque, puis un peintre qui se tranche la gorge. Elle connaît la prison, la prostitution et meurt sous le couteau de Jack l’éventreur. Kazuchi Ono à la baguette et Peter Stein à la mise en scène sauront sans aucun doute trouver l’adéquation parfaite pour que Lulu nous mette mal à l’aise tout en nous ressemblant fortement.

Du 20 avril au 2 mai à l’Opéra National de Lyon, place de la Comédie-Lyon 1 / www.opera-lyon.com

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