Qui es tu le lobby gay ?

On entend souvent parler du lobby gay. Existe-t-il ? Pourquoi ce mot déclenche-t-il en France autant d’inquiétudes ? Et si le lobbying était simplement un moyen légitime d’action politique…

Le projet de loi présenté par Nadine Morano sur l’autorité parentale et le statut des tiers a déclenché une nouvelle levée de boucliers chez les défenseurs de la famille traditionnelle, notamment dans certains courants catholiques traditionalistes et à l’UMP (Jean Marc Nesme et son Entente parlementaire pour la défense du droit de l’enfant à vivre, d’être accueilli et de s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère). Comme lors des débats sur le Pacs, le spectre d’un «lobby gay», non identifié mais manifestement très présent dans les institutions politiques, médiatiques et culturelles a resurgi dans les discours. Un lobby qui défendrait ses intérêts propres et menacerait ainsi l’intérêt général… Qu’il existe des associations et des personnalités engagées dans la défense des droits des minorités gays et lesbiennes, c’est indiscutable. Mais en France, l’usage du terme lobby est particulièrement péjoratif, laissant soupçonner une structuration et des méthodes occultes, quand ailleurs en Europe et dans le monde, l’existence des lobbys ne déchaine aucune passion et fait partie intégrante de la vie politique. Pourquoi donc une telle suspicion, en France, à l’égard de ces lobbys qui ne sont en général pas autre chose que des groupes de pression ? Parmi de nombreuses explications, il y a l’histoire du nationalisme français, avec Charles Maurras (dirigeant historique de l’Action française) et la thèse des quatre états confédérés – juifs, métèques, protestants et francs maçons – qui auraient comploté contre la France. Il y a aussi l’universalisme, ce fondement de la vie politique française, à l’aune duquel tout mouvement catégoriel paraît suspect. Dans les deux associations LGBT affiliées à des partis politiques (Homosexualité et socialisme et Gaylib), on se défend ainsi de demander des droits spécifiques mais on affirme porter un projet de société.

Épouvantail

Laurent Chambon est élu du parti travailliste à Amsterdam et chercheur en sciences politiques à Poitiers. Pour lui, il n’y a pas de lobby gay en France au sens où les groupes existants ne sont pas organisés comme peuvent l’être leurs homologues aux Pays-Bas par exemple. Une des clés de compréhension de cette différence, c’est l’affiliation des groupes de pression français à des partis ; pour Laurent Chambon, un lobby doit aller voir chaque parti, pourquoi pas même jusqu’à l’extrême droite. C’est de cette façon, d’après lui, que les mouvements LGBT néerlandais auraient obtenu de façon très transparente l’ouverture du mariage. Il avance aussi une explication plus anthropologique ; la tradition protestante qui domine en Allemagne ou aux Pays-Bas inviterait à montrer alors que la tradition latine et catholique pousserait à cacher. Ceci expliquerait également la faible visibilité des gays et lesbiennes en politique, où un homosexuel avéré aura tendance à éluder encore plus la question des droits LGBT par crainte d’être accusé de communautarisme. Ainsi, l’UMP Roger Karoutchi qui a fait un coming out retentissant, refuse de s’exprimer sur les questions du mariage et de l’adoption pour les homosexuels affirmant qu’il n’est pas un «militant communautariste» et que sa «seule communauté, c’est la France». Autant de raisons qui expliquent, que, paradoxalement, la lutte pour les droits des personnes LGBT reste l’apanage d’associations… LGBT. La stigmatisation de ces mouvements, regroupés sous l’étiquette repoussoir de «lobby gay» procède, toujours selon Laurent Chambon, d’une logique de domination. Ainsi, un lobby puissant et intégré, comme le mouvement paysan, ne sera pas désigné comme tel, tout juste parlera-t-on de corporatisme ; «dès qu’il s’agit d’une minorité dominée, on agite l’épouvantail du complot juif, musulman ou homosexuel». À la maurassienne.

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