élections régionales

Élections régionales 2010 : des régions toutes roses ?

Les 14 et 21 mars se tiendront les élections régionales qui renouvelleront les vingt-six conseils régionaux de métropole et d’outre-mer. Parmi les multiples enjeux de ces élections, les questions liées aux personnes LGBT ne sont pas oubliées.

A priori, les élections régionales ne constituent pas le cadre le plus propice pour parler des droits des gays et des lesbiennes. Bien des combats menés par les militants de la cause LGBT le sont en effet à l’échelon national (droit au mariage, à l’adoption…), départemental (aide sociale et médicale à destination des gays âgés ou séropositifs), ou municipal (cérémonie de PACS dans les mairies). Pour autant, on aurait tort de considérer que les problématiques LGBT sont totalement absentes des politiques régionales. Depuis presque trente ans, les compétences des conseils régionaux n’ont en effet cessé de s’élargir, et englobent de plus en plus des domaines tels que l’économie, l’attractivité du territoire, mais aussi l’éducation ou la santé.

Aussi le tissu associatif LGBT rhônalpin s’est-il mobilisé à l’occasion des élections régionales et a cherché à connaître les positions et les programmes de chacune des listes candidates. Le 23 février, dix associations organisaient ainsi un débat au café Le Moulin Joli (Lyon 1er) auquel chaque parti était invité à envoyer un représentant pour venir exposer sa vision de l’action régionale en faveur de l’égalité des droits, du combat contre les discriminations, de la lutte contre le sida, etc.

Sur les neuf listes participant aux élections régionales en Rhône-Alpes, cinq ont répondu présentes à l’appel et envoyé leur missi dominici : Catherine Faivre d’Arcier pour le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Katia Philippe pour le Front de Gauche, Édith Oresta pour Europe Écologie, Stéphane Gomez pour le Parti Socialiste et Hervé Morel pour le Modem. L’absence d’un représentant du parti présidentiel a été évidemment très remarquée et critiquée, d’autant plus que Françoise Grossetête (tête de liste UMP en Rhône-Alpes) n’a fait connaître sa défection qu’à la toute dernière minute.

De l’importance des associations

Sans surprise, la majorité sortante au sein de l’exécutif régional (socialistes, communistes et écologistes), a défendu «une approche non fractionnelle, transversale et globale» en matière de lutte contres les discriminations et s’est félicitée d’un «bon bilan» en matière de droits des LGBT, un avis d’ailleurs partagé par les associations. Le consensus entre les participants, à la fois sur ce qui a été fait ces six dernières années et sur ce qu’il convient de faire pour les prochaines, a été assez large. Chacun a ainsi reconnu l’importance du soutien financier de la Région aux associations, un levier essentiel de sa politique de lutte contre les discriminations.

Stéphane Gomez (PS) a rappelé que le budget alloué sur l’ensemble de la mandature par le Conseil régional aux associations LGBT s’élevait à 100 000€, une somme qui contraste agréablement, aux yeux de la Lesbian & Gay Pride de Lyon, avec celle, «dérisoire», accordée par la majorité précédente. Pour autant, Édith Oresta (Europe Écologie), qui a elle-même milité au sein d’associations de lutte contre le sida, a estimé qu’il fallait «passer à une étape supérieure» et déploré la précarité dans laquelle se trouvent de nombreuses associations. Elle a été rejointe sur ce point par Katia Philippe (Front de Gauche), qui estime qu’il faut tripler les aides actuellement versées aux associations et accorder à certaines des subventions pluriannuelles afin de leur permettre de mener des projets à long terme.

La Région ne peut pas tout

Parmi les autres propositions évoquées ce soir-là par les partis : la création d’une seizième vice-présidence au sein du Conseil régional dédiée à l’Égalité des Chances, qui permettrait de coordonner plus efficacement la lutte contre les discriminations. Car, ainsi que l’a déploré Katia Philippe, «toutes les formes de discrimination persistent dans la région». Elle a par exemple regretté que seule la moitié des missions locales d’insertion rhônalpines (ces organismes chargés de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, et en particulier des demandeurs d’emplois) ait intégré dans leur action un volet “citoyenneté et lutte contre les discriminations“.

Tous les candidats ont cependant admis que la région, à elle seule, ne pouvait régler tous les problèmes et qu’une grande partie des réponses qu’il convenait d’apporter était du ressort de l’État. «Parfois, l’action gouvernementale va même à l’encontre des ambitions définies par la région» : c’est du moins l’avis de Catherine Faivre d’Arcier (NPA), qui a estimé qu’«avec sa politique de casse sociale, le gouvernement favorise l’exclusion». Telle est la situation rencontrée, selon elle, par les jeunes homos que la précarisation rend financièrement dépendants de leurs parents, alors même que certains rencontrent de très fortes difficultés à faire accepter leur orientation sexuelle au sein de leurs familles. C’est pourquoi le NPA a proposé «des appartements d’accueil pour les jeunes en rupture avec leur milieu familial».

Divergences sur les questions budgétaires

Même si tous les partis présents au débat semblaient pour une fois s’accorder sur les progrès réels accomplis durant la dernière mandature, certaines divergences persistent. Pour Hervé Morel, «même si Azouz [Begag, tête de liste Modem aux élections régionales en Rhône-Alpes, NdlR] a tendance à dire qu’il est d’accord avec les propositions de tout le monde», l’équilibre des dépenses publiques doit absolument être respecté, ce qui implique évidemment des choix budgétaires parfois difficiles. Exactement le genre de propos qui a le don de faire bondir Catherine Faivre d’Arcier, qui, elle, ne manque pas d’idées pour trouver les fonds nécessaires, à commencer par «arrêter d’aider financièrement les entreprises qui licencient et les lycées privés, auprès desquels la région n’a aucune obligation» et qui ont, selon elle, englouti pas moins de quinze millions d’euros dans le budget 2010.

Autre point de divergence : Katia Philippe propose la mise en place d’un Observatoire de lutte contre les discriminations là où Stéphane Gomez juge suffisante la cellule de veille et d’alerte déjà existante.

La question trans en débat

Mais c’est à propos de l’accompagnement du parcours médical des trans, que le ton a été le plus vif. L’ensemble des participants s’est certes accordé pour réclamer l’introduction dans la loi du 30 décembre 2004 (celle qui a donné naissance à la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations) d’un dix-neuvième critère de discrimination : la transphobie. Stéphane Gomez a également dénoncé «la fausse dépsychiatrisation [annoncée par le gouvernement en février, NdlR] et l’obligation de stérilisation des trans», assimilant cette dernière pratique à «de l’eugénisme», tandis qu’Édith Oresta a mis en garde contre une «surmédicalisation» de la question trans. À l’inverse, Hervé Morel a estimé qu’un suivi psychiatrique des personnes désirant changer de sexe pouvait être justifié, «dans la mesure où il s’agit d’un traitement irréversible». Un désaccord qui résonne comme un écho à l’importance grandissante prise par les questions liées au genre et à la transidentité dans les problématiques LGBT. Peut-être un prélude à de nouveaux combats ?

 

Élections régionales, dimanches 14 et 21 mars

Illustration © Vergine Keaton

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