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«Une personne extraordinaire»

110530_15interviewimGoa et Voto sont les deux réalisateurs du documentaire Le Gai Tapant, consacré à Jean Le Bitoux.

Pouvez-nous nous expliquer comment vous avez rencontré Jean Le Bitoux ?
Voto : Je l’ai rencontré au début des années 80, quand j’avais vingt ans, au journal Gai Pied, dont il était rédacteur en chef. Il m’a recruté pour grossir l’équipe au moment où, de mensuel, Gai Pied est devenu hebdomadaire.
Goa : Moi, je ne l’ai connu qu’il y a quatre ans, par l’intermédiaire de Voto qui voulait absolument me le présenter.

Vous le présentez comme «le Harvey Milk français». Pourquoi sa figure vous apparaît-elle plus marquante que celle d’autres militants de cette période, comme par exemple Guy Hocquenghem ?
Goa : Parce que Jean, contrairement à la plupart des autres militants gays qui se sont généralement focalisés sur un seul combat, a participé à l’ensemble des luttes homosexuelles de son époque : l’aventure de la presse homo avec Gai Pied, l’engagement contre le sida au sein de AIDES, la fondation du Mémorial de la Déportation Homosexuelle, la création de la Marche des Fiertés parisienne, la dénonciation de l’homophobie… Comme Harvey Milk, il s’est présenté aux élections et cet engagement politique a toujours été au cœur de ses convictions.
Voto : L’exemple de Guy Hocquenghem ne me paraît de plus pas très pertinent, car Guy, aussi bien dans ses combats politiques que dans ses écrits littéraires, a progressivement tourné le dos à la communauté : il a tenté, à la fin de sa vie, d’écrire des romans qui ne parlaient pas d’homosexualité et il est même mort du sida en refusant d’en parler !

Le Bitoux a joué un rôle déterminant dans la reconnaissance de la déportation homosexuelle, mais certains historiens lui ont reproché des approximations historiques, une exagération des chiffres…
Voto : La première fois que la déportation homosexuelle a été évoquée dans un media grand public, c’était dans l’émission Perdu de vue. Jacques Pradel avait invité un historien qui avait, lui aussi, avancé des chiffres bien supérieurs à la réalité. Cela reflète bien l’état des connaissances historiques d’alors. Mais Jean n’a jamais cherché à gonfler le nombre de déportés pour homosexualité afin de faire avancer sa cause.
Goa : Jean n’a jamais eu la prétention d’être un historien. Simplement, la rencontre avec Pierre Seel, ce déporté alsacien avec lequel il a écrit un livre, a été l’une des plus importantes de sa vie et son rapport avec lui était avant basé sur l’amitié. S’il avait attendu que la réalité de la déportation homosexuelle soit examinée par des historiens pour en parler, alors on ne l’aurait sans doute jamais évoquée, puisque ce sujet était totalement tabou.

Pourquoi ne pas avoir évoqué son engagement dans le très contesté Centre d’Archives et de Documentations Homosexuelles de Paris (CADHP) ?
Goa : On en a bien sûr parlé avec lui, car cette affaire lui avait valu quelques attaques. Si on ne l’a pas évoquée dans le documentaire, ce n’est pas pour la passer sous silence ou lui épargner cette polémique, mais parce qu’on considère qu’elle n’est pas finie et qu’il était donc trop tôt pour porter un jugement rétrospectif là-dessus.
Voto : Rentrer dans une polémique de personne, accuser Pierre, Paul ou Jacques ne l’intéressait pas. On constate d’ailleurs que Jean a disparu il y a plus d’un an et que le dossier n’a toujours pas avancé : ce n’est donc pas lui qui y faisait obstacle.

Où en est la relève ? Qui seront à votre avis les prochains Le Bitoux ?
Voto : Je ne vois pas vraiment de figures comparables à Jean actuellement. Il faut dire aussi que l’urgence n’est plus la même : le sida tue toujours, bien sûr, mais pas autant qu’il y a vingt ou vingt-cinq ans, et du coup on a l’impression qu’une sorte de ronronnement paisible s’est installé…
Goa : Oui, je rejoins Voto pour dire que le contexte a changé. Quand Jean a commencé à militer, vers l’âge de vingt ans, l’homosexualité était encore pénalisée, la déportation homosexuelle n’était pas reconnue… Les enjeux étaient plus forts. Ces combats étaient extraordinaires et en ont fait une personne elle-même extraordinaire.

 

Jean Le Bitoux

_16 août 1948_ naît à Bordeaux.
_1971_ créé une antenne du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) à Nice.
_1975_ arrive à Paris et participe aux Groupes de Libération Homosexuelle (GLH). Intègre le journal Libération.
_1978_ se présente aux élections législatives dans le cinquième arrondissement de Paris.
_1979_ fonde le mensuel Gai Pied
_1983_ démissionne de Gai Pied
_1985_ devient membre de la direction de l’association AIDES où il est en charge de la prévention à destination des gays.
_1988_ annonce sa séropositivité à la télévision lors de l’émission Médiations.
_1989_ créé le Mémorial de la déportation homosexuelle.
_21 avril 2010_ décède à Paris à l’âge de 62 ans.

 

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Le Gai tapant de Voto et Goa (Épicentre Films)

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