défaire le genre judith butler 2011 credit Andrew Rusk

Avec “Défaire le genre”, Judith Butler poursuit son travail de déconstruction

La politique est indissociable de la théorie et de la critique, rappelle Judith Butler dans Défaire le genre. Et les politiques sexuelles ou queer ne peuvent faire l’économie d’un questionnement incessant sur les normes qu’elles produisent elles-mêmes.

Le genre, expliquait le magistral Trouble dans le genre, est une «activité incessante performée, sans en avoir conscience et sans le vouloir, à l’intérieur d’une scène de contrainte». Que signifie alors «défaire le genre» ?

On ne peut éradiquer totalement toute norme de genre, explique Judith Butler, mais on peut, en revanche, chercher à les travailler, à les rendre malléables. Pour cela, il faut penser les politiques sexuelles à partir des «cas où l’humain se trouve aux limites même de l’intelligibilité», écrit la philosophe dans un très beau et émouvant chapitre consacré à David. Ce bébé américain eut le pénis brûlé lors d’une opération à l’âge de huit mois. Médecine et psychiatrie lui firent alors subir une «réassignation de genre». Son histoire, tout comme la place centrale accordée aux mouvements intersexes et transgenres, permet à l’auteur de penser la manière dont les normes nous constituent, mais aussi dont il est possible de s’appuyer en partie sur elles.

Rendre des vies vivables

La réponse de Judith Butler aux féministes, qui ont pour certaines reproché aux mouvements transgenres de «conforter le genre» (par exemple en s’affirmant «femme»), souligne combien la norme peut être reformulée et donc défaite. De la même manière, Butler s’intéresse à la revendication par les mouvements gays du droit au mariage. Non pour s’y opposer, mais pour souligner que toute revendication de norme est en partie excluante, en ce sens qu’elle «peut mener à des formes nouvelles et injustes de hiérarchie sociale» (notamment si elle contribue à maintenir le lien entre parenté et mariage). La question de la production du genre, insiste Judith Butler, n’est pas pure «question culturelle», ni même un «luxe». Au contraire, elle est guidée par le souci de rendre des «vies vivables». Défaire le genre, c’est s’opposer encore et toujours à «l’injustice d’être désigné comme irréel» et, tout simplement, pouvoir «être reconnus en tant que personnes».

 

Défaire le genre, de Judith Butler (éditions Amsterdam)

 

Photo : Judith Butler © Andrew Rusk

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