Entretien avec Sandrine Mini, directrice du Toboggan

À quarante-cinq ans, Sandrine Mini dirige depuis février 2014 Le Toboggan, principale structure culturelle de la ville de Décines-Charpieu.

 

Portrait Sandrine Mini TobogganD’où venez-vous ?

Sandrine Mini : Mon papa est né en Sicile près de Palerme. Il est arrivé en France à quatre ans lorsque mon grand-père, fuyant la pauvreté, est devenu mineur de fond dans les mines du Hainaut (Nord-Pas-de-Calais). Ma mère est issue d’une famille d’agriculteurs bretons.

J’ai grandi en région parisienne, où travaillaient mes parents à l’époque, puis nous sommes partis vivre en Afrique. Au retour, mes parents se sont installés en Provence, près d’Avignon. J’ai connu mes premiers rendez-vous avec le théâtre lorsque j’étais adolescente grâce aux spectacles du off et plus tard, lorsque j’étais étudiante, j’ai pu me payer des billets pour assister à ceux du in.

J’ai toujours voulu travailler dans la culture. Lorsque j’ai dû chercher mon premier stage, j’étais encore à l’Université. J’ai réussi à intégrer le ministère de la Culture, où j’ai découvert un monde de gens passionnés. Les projets fusaient, on était en plein dans l’ère des lancements de grands projets tels que le Louvre. C’était magique. Dans le bureau d’en face du mien, il y avait une équipe de trois personnes qui composaient la «mission rock». J’ai trouvé cela génial que l’on puisse parler rock dans les couloirs d’un ministère avec de la moquette rouge au sol. C’est là qu’est vraiment née ma vocation : j’ai voulu travailler au plus près des populations, avec cette volonté très forte de décloisonner les disciplines et les langages pour parler à tous, sans a priori, mais sans démagogie et toujours avec enthousiasme.

 

Quels sont votre formation et votre parcours professionnel ?

Sandrine Mini : Après un bac littéraire, j’ai fait hypokhâgne et khâgne (première et deuxième année de classe préparatoire littéraire, NdlR) à Montpellier, puis une licence et une maîtrise de Lettres à la Sorbonne et un troisième cycle en sciences de l’information et de la communication. Puis, après avoir travaillé quelques années, j’ai repris dix-huit mois d’études et fait un MBA (Master of Business Administration, NdlR) à Paris et à New-York pour développer des compétences en finances, en RH et en management : gérer un établissement, c’est être un chef d’orchestre et il est nécessaire de connaître tous les aspects du lieu.

J’ai travaillé près de quinze ans (de 1995 à 2009) pour la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais, où j’ai occupé différentes fonctions, de directrice de la filiale italienne à chef du département des publics, où je dirigeais plus de 200 personnes. En 2009, j’ai été nommé attachée culturelle pour le compte de l’ambassade de France à Rome, où j’ai programmé trois festivals franco-italiens de musique, de danse et de théâtre. Je suis rentrée à Paris en 2012, comme directrice des publics et du développement culturel en vue de la réouverture du Musée Picasso à Paris, dans le Marais. J’avais depuis longtemps envie de diriger un lieu et une annonce de Télérama visant à recruter un directeur ou une directrice pour le Toboggan a changé ma vie. J’y ai répondu et je suis arrivée au Toboggan en février 2014.

 

Pourquoi avoir choisi de diriger le Toboggan de Décines ? Quelles sont vos attentes et votre vision pour cette institution culturelle ?

Sandrine Mini : J’avais envie de diriger un lieu en périphérie d’une grande ville, avec des enjeux majeurs en termes de publics et de liens avec les habitants. L’équipement du Toboggan (qui regroupe un cinéma, une salle d’exposition et un théâtre, tout en cohabitant avec la médiathèque de la Ville) en fait un établissement très complet. J’ai pu conserver mon lien avec les arts plastiques et le cinéma, qui est une de mes grandes passions, tout en établissant des liens étroits avec la salle de spectacle. L’agglomération lyonnaise connaît un fort développement à l’est : l’implantation du Grand Stade va remodeler considérablement la Ville de Décines. Au-delà, il y a là matière à développer un projet ambitieux pour cet équipement, l’un des plus grands de l’agglomération. À travers les spectacles que je programme, j’essaie d’ouvrir sur la multiplicité des esthétiques. La danse est très présente bien entendu, puisque nous sommes une scène conventionnée pour la danse. J’ai aussi à cœur de proposer des projets participatifs aux habitants, pour qu’ils s’approprient ce lieu et qu’ils n’aient plus peur d’en pousser la porte.

 

Quels liens entretenez-vous avec la communauté LGBT ?

Sandrine Mini : Depuis toute petite, je déteste l’injustice et la stigmatisation dont sont victime les personnes qui peuvent apparaître comme différentes au regard de la norme sociale. En travaillant à Paris dans le milieu culturel, j’ai eu très vite de nombreux amis issus de la communauté LGBT et j’ai ainsi pris conscience très tôt des discriminations et des difficultés à être soi. J’ai participé aux premières Gay Prides dont l’esprit de fête et de fraternité étaient incroyables. Dans ma vie professionnelle, j’ai croisé un collègue homme qui a choisi de devenir une femme et j’ai compris combien ce choix peut être douloureux et le chemin semé d’embûches lorsque l’on fait ce choix de changer de sexe. J’ai pu aussi voir combien l’entreprise culturelle où je travaillais à l’époque s’est montré tolérante et humaine et cela a été une grande leçon de vie.

J’essaie de transmettre à mes enfants cette tolérance, pour que ne soient pas stigmatisés (entre autres) les enfants issus de familles homoparentales. Les enfants sont souvent d’ailleurs bien plus tolérants que les adultes.

J’apporte une grande attention aux artistes que je présente pour qu’ils soient représentatifs de toutes les composantes de notre société.

J’essaie tout simplement de transmettre la notion de tolérance à travers les projets que je propose en montrant que ce qui nous rassemble, au-delà de notre identité, c’est notre humanité.

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