Betroffenheit

Voyage en corps inconnu avec “Betroffenheit” de Crystal Pite

Conjuguant théâtre et danse, la chorégraphe Crystal Pite et le metteur en scène Jonathon Young proposent avec Betroffenheit une pièce hybride qui explore la situation de l’individu suite à la catastrophe.

Bien qu’elle soit peu connue en France, la danseuse et chorégraphe canadienne Crystal Pite, qui présente sa pièce Betroffenheit pour la première fois en France à la Maison de la Danse de Lyon, possède déjà un carnet d’adresses impressionnant. Originaire de Vancouver, c’est au British Columbia Ballet et au Ballett Frankfurt aux côtés de William Forsythe qu’elle fait ses armes. Dès le début de sa carrière, elle crée des pièces pour le Nederlands Dans Theater, la Cedar Lake Company, pour Louise Lecavalier ou encore Robert Lepage.

Formée aux claquettes et sensible aux textes et à la théâtralité, Crystal Pite s’est forgée un univers qui prend ses racines dans la danse classique pour mieux la déconstruire, la réinterpréter et l’hybrider au contact d’autres formes artistiques. En cela, on retrouve dans son travail les traces de ses collaborations avec Forsythe ou Kylián, dont elle n’hésite cependant pas à s’émanciper pour proposer un renouveau de la danse canadienne. La prise en compte de l’impact visuel de la création sur le spectateur est également un trait caractéristique du travail de Pite. On pense ainsi aux masques et costumes blancs portés par les interprètes de Tempest Replica (créé en 2013 à Londres), qui donnaient naissance à des personnages fantasmagoriques, mi-hommes mi-reptiles.

Dans Betroffenheit, cette attention portée à la dimension visuelle de la représentation se retrouve dans le décor. Avec une grande économie de moyens, de hauts murs blancs et une porte battante, Crystal Pite parvient à suggérer l’anonymat, la froideur et en même temps la familiarité presque naturelle d’un hôpital. On oscille alors entre le connu et l’inconnu, le rêve et la réalité, la vie et la mort.

Sourde déflagration

Car d’oscillation, c’est bien de ça dont il est question dans cette pièce qui tire son nom d’un concept allemand intraduisible qui désigne «l’état de choc qui submerge l’individu après la catastrophe». D’après un scénario de Jonathon Young, comédien et metteur en scène canadien de quarante-trois ans, Betroffenheit suit le voyage psychique d’un homme confronté au désastre. Plongé dans une sorte de coma ou de rêve, il semble errer dans un monde aseptisé, peuplé de voix tamisées et filtrées dont on ignore la provenance. Dans cet univers onirique surgit alors une troupe de cabaret expressionniste, à la fois drôle et effrayante. S’appuyant sur la musique et sur le texte, les mouvements semblent faire sens et restent pourtant comme en décalage, comme dans l’assourdissement qui suit une déflagration. Hallucination ou réalité altérée, Betroffenheit ne tranche pas et illustre la force intérieure de l’individu, sa capacité à survivre à la tragédie.

 

Betroffenheit, les 10 et 11 mai à la Maison de la Danse, 8 avenue Jean Mermoz-Lyon 8 / 04.72.78.18.00 / www.maisondeladanse.com

 

Photos © Michael Slobodian

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