Charlotte Denamur ©Blaise Adilon

Charlotte Denamur attire l’attention sur la précarité des artistes

Pour sa vague de 45 mètres de long exposée à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne dans le cadre de la Biennale d’art contemporainCharlotte Denamur a reçu le prix Jeune création Auvergne-Rhône-Alpes. Elle a d’ailleurs annoncé qu’elle partagerait de manière égale la somme reçue avec les quatre autres artistes en compétition. Entretien avec une artiste discrète qui aime le grand format. 

Quels sont vos matériaux de prédilection ? 
Charlotte Denamur : Les jus que je fabrique avec un mélange d’eau, d’acrylique, de pigments ou de paillettes. C’est presque une teinture que je verse sur le tissu au sol. Mon atelier se transforme souvent en piscine et je suis parfois prise au piège comme on peut l’être par une marée ! J’utilise aussi une peinture vinylique des années 80, poudreuse et puissante en pigments. Je cherche des tissus dans les bric-à-brac, mes placards, les placards de mes ami·es. Parfois, je choisis des tissus déchirés, abimés, qui ont déjà eu une vie. Il m’arrive de les déchirer moi-même pour ne garder finalement que la contre-forme. Les chutes de tissus et les fonds de pots de peintures sont conservés et réemployés.   

Pouvez-vous nous parler de l’œuvre Rosées bleues réalisée pour la Biennale ? 
Pour cette exposition j’ai autant pensé la peinture que son installation. Investir le plafond entier de la salle est né d’une volonté d’aborder le volume de la peinture à l’échelle du corps. On peut se sentir au-dessus ou en-dessous, renversé·e. Le bleu évoque aussi bien la mer que le ciel, donc des horizons dans lesquels on peut se perdre, rêver, des horizons qui peuvent faire apparaître et disparaître des formes et des figures, comme celle du nageur. La lumière et la couleur existent dans un jeu de réflexions qui s’opèrent entre le plafond, les murs et le sol. Le sol est peint avec un aplat qui crée une ambigüité en supprimant les arêtes.  Les murs ne sont pas peints mais l’ombre de la peinture vient compléter cette illusion. L’œuvre est remplie de paysages intimes et de références personnelles telles que La danse de Matisse. Pour l’expo à l’IAC, je voulais me confronter à ce format immense, devoir adapter mes gestes, que la peinture finisse par me dépasser. 

Pourquoi avoir choisi de partager les 5 000 euros que vous avez reçus en cinq ? 
C’est un choix commun des cinq artistes. On s’était mis d’accord pour partager ce prix peut importe qui le recevait car on se rejoignait sur la question de la solidarité nécessaire face à la précarité. Il est rare de recevoir un budget de production et encore plus rare une rémunération. Pourtant, la préparation d’une expo demande des sacrifices de temps et d’argent : ce sont des moments où on ne peut pas travailler de manière alimentaire et on doit souvent avancer nos frais. On est beaucoup à avoir des jobs à côté. Sans partenaire, sans soutien, je n’aurais pas pu faire une installation d’une telle ampleur. Cette somme partagée nous permet juste de gagner un mois de stabilité. Elle nous donne un peu de souffle pour préparer une prochaine expo. On espère que ce geste attirera le regard sur notre situation. C’est super d’inviter les artistes à exposer, mais il faut que les conditions suivent. Notre geste s’adresse également aux jeunes artistes : si nous sommes solidaires entre nous, nous pourrons avancer et peut-être attirer l’attention sur les manques de moyens. 

Jeune création internationale, jusqu’au 5 janvier à l’IAC, 11 rue Docteur Dolard-Villeurbanne / 04.78.03.47.00  
www.i-ac.eu 
www.charlottedenamur.com 

 Charlotte Denamur © Blaise Adilon

© Blaise Adilon 

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.