Un petit noir nommé désert

Il est généralement de bon ton de s’opposer au Dakar. Mais quand on se penche sur le sujet, il demeure tout de même une véritable absurdité.

La compétition sportive est avant tout une histoire de chiffres. À l’aube de sa 30e édition (du 5 au 20 janvier), le Dakar dénombre d’ores et déjà quelque cinquante morts. La majorité d’entre eux ont été des concurrents (32), auxquels s’ajoute une «petite» dizaine de journalistes et autres suiveurs et enfin neufs autochtones, officiellement, des enfants la plupart du temps. C’est bien entendu dans le cas de ces derniers que c’est le plus scandaleux. Ce qui ne veut pas dire que les autres ont mérité leur sort : être pilote de rallye n’est pas censé être un crime et un tel châtiment ne se justifiait pas non plus pour Balavoine, bien que son potentiel de nuisance artistique était infiniment plus élevé que celui, politique, auquel il s’essaya. Tout cela pour dire que, fatalité statistique, des êtres humains vont mourir dans les jours qui viennent dans le cadre d’un événement de «loisir». Évidemment, cela arrive dans les stades de foot ou lors de courses de Formule 1, mais de manière plus occasionnelle. Là, on en a la quasi(?)-certitude. Et l’on pourra ainsi voir Gérard Holtz composer sur la corde pathétique, celle qu’il aime tant (et qui finalement lui va le mieux). Les opposant au rallye parlent d’une «croisade de négriers déshonorante d’obscénité» (stop-rallyedakar.com) quand ses défenseurs, ses organisateurs (ou ses investisseurs) évoquent les «drames périphériques» afin de se dédouaner. Certains osent même fustiger la mauvaise sécurité routière en Afrique, véritable fléau du continent (particulièrement pour les rallyes européens) et surtout le manque de discipline des victimes. Autres arguments de force : les locaux aiment le Dakar et les gouvernements insistent pour qu’il passe sur leurs terres. Imparable. Si la mort reste la conséquence la plus ultime qui soit, il ne faut pas négliger l’indécence qu’il y a à installer des camps remplis d’eau, de médicaments et de personnel médical nécessaire à cette formidable aventure humaine au beau milieu du tiers-monde, même si ses opposants ne souhaitent pas que l’humanitaire soit prétexte à légitimer la course. Pas de souci là-dessus de toute façon, il n’y a pas de consultation au bivouac. Et puis on pourrait parler de développement durable. Mais ça, ce n’est qu’un détail de l’histoire.

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