Yûkoku, Rites d’amour et de mort

Yûkoku, Rites d’amour et de mort, de et avec Yukio Mishima. Distr. : Éditions Montparnasse.

Le 25 novembre 1970, Yukio Mishima se fait seppuku, suicide spectaculaire d’un des écrivains majeurs du Japon d’après-guerre après l’échec d’une tentative de coup d’Etat nationaliste. Ce dernier coup d’éclat d’un auteur sulfureux (Confession d’un masque, en 1947, est l’histoire d’un homme prenant conscience de son homosexualité), fasciné par l’ordre, les uniformes, le corps masculin (et notamment son propre corps, qu’il met en scène dans de multiples photos et dans les rôles qu’il interprète à l’écran) éclipse son œuvre, et notamment sa partie la moins consensuelle. Car si les livres de Mishima continuent à fasciner les lecteurs, sa veuve s’emploie à gommer les aspérités du personnage : elle interdit l’évocation de son homosexualité (Paul Schrader, quand il fera une biographie hollywoodienne en 1984, ne pourra que la laisser deviner à travers quelques plans), empêche la diffusion de photos très érotiques de son mari, et surtout fait retirer de la circulation les copies de plusieurs films où apparaît Mishima. Et en premier lieu ce Yûkoku, Rites d’amour et de mort qui est sa seule mise en scène, en 1965, et qui est comme la prémonition de la mort à venir de l’artiste : son héros, un jeune militaire (Mishima lui-même), après une dernière étreinte avec son épouse, se livre au rituel du seppuku ! Le thème hétérosexuel de ce film aux accents lyriques ne doit pas masquer sa profonde nature homo, ne serait-ce que dans la manière dont Mishima exalte son corps, et maintient à l’arrière-plan la figure féminine. Ce court métrage retrouvé, fascinant et époustouflant de puissance visuelle, sort dans un coffret formidable qui compte la nouvelle de Mishima dont ce film est tiré, d’un passionnant livret expliquant l’histoire de ce film, et d’un entretien filmé entre un journaliste français et Mishima.