Hétérocampe

Un hippocampe en couverture, c’est tout. Souvenez-vous des cours de biologie : cette espèce de poissons est l’une des rares à faire supporter aux mâles la charge de prendre soin des œufs, dans une poche ventrale. Et puis dans hippocampe, il y a camp. Un animal pour le moins subversif pour inaugurer une nouvelle revue qui veut l’être également : Hétérographe. Cette «revue des homolittératures ou pas» nourrit l’ambition de constituer un lieu qui «rend visible, permet le partage, l’échange, fait de la place». Et tout cela dans le champ des questions de genre, de la théorie queer, de la littérature homo. Dans cette première édition sont présentés des essais poétiques, des manifestes, des entretiens et des critiques de livres. Avec des formats, des thématiques et des angles d’attaque extrêmement divers. On y retrouve la signature de François Cusset, qui livre un magnifique texte sur les nouvelles injonctions à la performance sexuelle, sur la solitude et sur les communautés. Alain Perroux s’intéresse quant à lui au traitement du genre par l’opéra, qui n’est pas forcément, en la matière, le lieu conventionnel et normatif que l’on croit. Plus en amont, on découvre une variation lesbienne de l’histoire de Cendrillon avant de dévorer un passionnant entretien avec Tommaso Giartosio sur l’ambivalence de la culture italienne, entre le Pape et Pasolini, à l’égard des questions de la virilité et de l’homosexualité. Hétérographe porte bien son nom : de la diversité et des gestes d’écriture, pour dessiner d’autres possibilités, d’autres formes. Pour ne rien gâcher, l’objet est très beau, très sobre et privilégie des formats de textes courts et lisibles. Il s’agit bien d’un lieu d’échange, dans lequel chaque parole fait écho à la précédente, plutôt que d’un repaire de savants qui s’écoutent complaisamment. Semestrielle, environ cent pages par numéro, Hétérographe est publié par les Éditions d’en bas, vendu en librairies ou sur Internet pour dix euros.

 

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