Librairies friendly

Pour se remettre de la fermeture d’État d’esprit, état des lieux de la littérature homosexuelle et homophile dans les librairies lyonnaises.

 

Le mois dernier, nous vous annoncions dans ces mêmes colonnes la triste nouvelle de la fermeture d’État d’esprit, la dernière librairie gay et lesbienne de Lyon, et accessoirement de province. Est-ce à dire que les nombreux auteurs qui ont fait de l’homosexualité et du questionnement de genre les thèmes centraux de leurs œuvres, romans ou essais, sont désormais introuvables à Lyon ? Heureusement non. Guillaume Dustan, Sarah Waters, Armistead Maupin (pour la fiction), ou Judith Butler, Monique Wittig, Louis-Georges Tin (pour la recherche), pour n’en citer que quelques-uns, sont encore bien présents sur nos rayons… même s’il faut quand même parfois bien les chercher. Assez logiquement, c’est essentiellement dans les 1er et 2ème arrondissements, là où se concentrent la plupart des établissements gays et lesbiens lyonnais, que tous ces auteurs éminemment respectables ont trouvé refuge. Le lecteur curieux de littérature homo trouvera là, dans un rayon de quelques centaines de mètres, pléthore de petites librairies indépendantes a priori susceptibles d’étancher sa soif. La plupart sont dépourvues de rayons spécialisés, mais tiennent tout de même à proposer à leurs clients une offre qui sorte un peu des sentiers battus. Alors oui, c’est sûr, pour trouver le bouquin précis qui nous intéresse, c’est plus long, il faut fouiner un peu, mais c’est aussi l’occasion de tomber par hasard sur une perle rare inattendue… En tout cas, c’est comme ça qu’on fonctionne à Grand-Guignol (91, montée de la Grande-Côte, 1er), où le lecteur homophile trouvera son bonheur en cherchant bien parmi les essais ou dans les ouvrages consacrés à la photographie contemporaine. Ou encore à Passages (11, rue de Brest, 2ème), où là non plus on ne trouvera pas de rayon consacré à la littérature homosexuelle, mais où le libraire, pour peu que vous lui demandiez gentiment, se fera un plaisir de vous orientez vers les romans qui vous intéressent. Quant aux amateurs de théories queer, ils pourront satisfaire au moins pour quelques temps leur soif de lecture avec une honnête collection d’essais consacrés au genre dans le secteur des sciences humaines.

Les raisons d’un parti-pris

Mais ce refus obstiné du classement par genre, commun à presque toutes les librairies lyonnaises, n’est jamais mieux explicité et assumé qu’à Ouvrir l’œil (6, rue des Capucins, 1er). Là-bas, on est conscients qu’une librairie n’est pas un commerce comme les autres mais bien un espace éminemment politique. Sans ostentation, sans sombrer non plus dans les clichés de la librairie militante, les convictions progressistes sont ici calmement affichées et défendues. Pour autant, c’est en vain qu’on cherchera ici un rayon spécifiquement dédié aux thématiques LGBT. Non pas que le libraire, Césinaldo Poignand, se désintéresse de la question homosexuelle ou la juge parfaitement anodine. Mais il refuse le concept d’une librairie en self-service, où le client viendrait directement piocher le livre qui l’intéresse, et préfère laisser le hasard guider le lecteur curieux vers des ouvrages inattendus. Une volonté d’ouverture, en somme, face à la tentation de cloisonner toutes ces questions sociales et politiques intimement liées entre elles et d’offrir « un rayon dédié aux problématiques postcoloniales pour les Noirs, un autre dédié aux problématiques féministes pour les femmes, un troisième dédié aux problématiques homosexuelles pour les gays… ».

Enfin une étagère complète dédiée à l’homosexualité !

Changement de décor au Bal des ardents (17 rue Neuve, 1er), anciennement La Musardine. Autrefois propriété de la maison d’édition éponyme, basée à Paris et spécialisée dans la littérature érotique, la librairie a changé de nom en même temps que de propriétaire en 2006. Bien qu’elle se soit ouverte au fil du temps à des thématiques autres pour devenir quasi-généraliste, elle garde une forte prédilection pour les écrits licencieux, qui occupent encore une large partie de ses rayons. Rien d’étonnant donc à ce qu’une étagère complète y soit dédiée à l’homosexualité et aux thématiques de genre, abordées aussi bien par des essais que par des romans (dont plusieurs de l’incontournable auteur lesbienne Sarah Waters). À noter également, une importante collection de « beaux livres » en grand format et sur papier glacé consacrés à l’iconographie érotique, et notamment homosexuelle. Parmi ceux-là, The Big Size Penis Book saura ravir les amateurs de taille XXL… Bref, de toutes les librairies lyonnaises, Le Bal des Ardents, de par sa spécialisation en littérature érotique, est sans aucun doute la plus fournie en ouvrages à thématiques LGBT, et donc la plus à même d’accueillir en son sein réconfortant les anciens clients fidèles et désormais désemparés d’État d’Esprit. Une fonction que le gérant de la librairie se verrait bien endosser, lui qui se dit bien sûr prêt à élargir son offre si une véritable demande se fait sentir…

Et qu’en est-il des grandes enseignes ?

Dans l’ensemble, le choix qu’elles proposent est assez maigre. À Privat, la nomenclature « homosexualité » n’existe ni en littérature, ni en sciences humaines : pour trouver des essais sur le genre ou la sexualité, il faut fouiller au petit bonheur la chance dans le rayon sociologie. Decitre fait un peu mieux, en regroupant tous ses titres relatifs à l’homosexualité (en sciences humaines uniquement) sur tout petit bout d’étagère : une douzaine d’ouvrages en tout, dont deux très intéressantes versions du Kâma-Sûtra, l’une pour les gays, l’autre pour les lesbiennes… Quant à la FNAC, elle se paye le luxe d’un rayon « homosexualité » aussi bien en sciences humaines (une vingtaine de titres) qu’en littérature… sentimentale, s’entend, car les titres ici proposés (pour la plupart parus aux Éditions Gaies et Lesbiennes) appartiennent tous au genre du « roman à l’eau de rose » – des Harlequins homos, en somme. Finalement, c’est dans les bacs des DVD qu’on trouve le plus de choix à la FNAC, avec une bonne centaine de films gays (contre une vingtaine de films lesbiens…), généralement des séries B.

2 commentaires

  • Alex Serra

    Romance n’est pas forcément synonyme de littérature à l’eau de rose 🙂
    Mais merci pour ce récap, je vais pouvoir aller fouiner 😀

  • Micael

    Salut à tous !
    Je fais une recherche pour retrouver un livre (que j’avais prété et qui ne m’a pas été rendu) 🙁
    que j’aimerais acheter à nouveau (en version papier).

    Je suis tombé sur Hétéroclite par ce lien – http://www.heteroclite.org/2009/10/librairies-friendly-2626

    Je voudrais savoir si au fond d’un carton ou tout en haut de l’étagère, si si tout en haut, regarde bien s’il n’y a pas : Loïc sur le chemin de la gloire et de l’amour (Auteur : Alain Meyer)
    Ou si quelqu’un peut m’aider à le trouver. 🙂

    Ca c’est la photo du bouquin :
    (( https://www.amazon.fr/Lo%C3%AFc-sur-chemin-gloire-lamour/dp/2914679033 ))
    mais si on clique dessus, il est écrit qu’il n’est plus disponible en version papier.

    Gros bisous.
    Micael.

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