“Querelle” de Rainer Werner Fassbinder ressort en salles

Dernier film de Rainer Werner Fassbinder, Querelle (1982) ressort en salles. L’occasion de se replonger dans un classique qui n’a rien de classique…

Il faut revoir Querelle. Le voir peut-être pour qui ne l’aurait pas encore fait. Se replonger dans l’orangé de sa lumière, la violence sexuée de son atmosphère, la puissance érotique de son histoire de marins et de fantasmes. Oh, oui, il faut revoir Querelle où le fétiche charnel Brad Davis, tout en muscles et poils sous ses maillots moulants, sort son couteau comme sa bite, puisque c’est la même chose, l’amour, la mort, on le sait bien. Il faut réentendre Querelle aussi, les mots sublimes et ravageurs écrits par Jean Genet dans un de ses plus sulfureux romans, repris ici par Fassbinder pour son dernier film, le plus puissant, le plus baroque, le plus camp, le plus homo bien sûr — tant le mot gay ici semblerait ridicule.

Un si bel assassin

Querelle

Et réentendre Querelle, c’est se laisser bercer par une autre langue que celle de Genet, celle d’Oscar Wilde, dont Jeanne Moreau, fanée et languide, fredonne le plus beau poème, Each Man Kill the Things He Loves — tout homme tue l’objet de son amour —, qui sonne comme le manifeste de ce film, un «classique» du cinéma qui n’a rien, décidément rien, de classique. Ni dans la forme outrageusement stylisée (couleurs, corps, décors…), ni dans le fond, obstinément obsédé par un seul motif, le désir masculin, l’appel de ce phallus autour de quoi ici tout tourne.

Querelle donc, prénom magnifique d’un jeune marin assassin — «un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour» écrira Genet à propos d’un autre, mais cela s’applique parfaitement à notre héros. Querelle qui fait escale à Brest pour y retrouver son frère, qui se soumet au plaisir d’un patron de bordel et qui trouve refuge dans un hôtel du port où il noue une relation de soumission et de frustration avec un officier…Querelle, film et poème, crime et passion, inoubliable quête d’un insaisissable désir. Une seule manière de s’y confronter, de s’y jeter : à corps perdu.

 

Querelle (1982), de Rainer Werner Fassbinder, avec Brad Davis, Franco Nero, Jeanne Moreau…

 

 

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.