Camouflet pour le parquet

Bertrand Gaudillère

La circonstance aggravante d’homophobie a finalement été retenue contre les deux agresseurs d’un jeune homosexuel, en 2007, sur les pentes de la Croix-Rousse.

Le mois dernier, nous vous faisions part de la clémence du Parquet de Lyon vis-à-vis des deux agresseurs de Jérémy et Stéphane, deux jeunes gays victimes à l’automne 2007 d’une agression homophobe sur les pentes de la Croix-Rousse. En dépit des insultes qui avaient précédé les coups et qui n’étaient nullement contestées par les deux accusés («sales pédés, sales tarlouzes, on vous aime pas, on va vous faire la fête»), la procureure de la République n’avait pas retenu la circonstance aggravante d’homophobie et requis six mois de prison avec sursis contre les deux agresseurs, âgés de 21 et 22 ans. Mais le 20 octobre dernier, le président du Tribunal Correctionnel de Lyon en a décidé autrement, estimant qu’«on ne peut pas tenir de tels propos à l’endroit de quelqu’un que l’on ne suppose pas homosexuel». La circonstance aggravante d’homophobie a donc bien été retenue, et les deux agresseurs ont été reconnus coupables de «violences volontaires en réunion en raison de l’orientation sexuelle de la victime». En conséquence de quoi, ils ont été condamnés à huit mois de prison avec sursis (une peine plus sévère, donc, que celle initialement requise) et à verser à Jérémy 2 500€ de dommages et intérêts, ainsi que 2 000€ de frais d’avocat (Stéphane, mineur au moment des faits, n’avait pas souhaité porter plainte). Jérémy était défendu par Maître Gabriel Versini, avocat spécialiste en droit des victimes qui est également l’avocat de la Lesbian & Gay Pride de Lyon. L’association s’était constituée partie civile dans cette affaire, et a également obtenu à ce titre 1 000€ de dommages et intérêts. Pour elle, cette décision «empreinte de sagesse» de la 12e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Lyon sonne comme un véritable «camouflet» pour le parquet de Lyon, qui selon elle «refuse d’appliquer les lois qui répriment plus sévèrement les infractions à caractère homophobe». Elle a donc décidé de saisir Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, ainsi que la Haute-Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité, dans l’espoir de mettre un terme à une série de décisions jugées laxistes.

 

Trois questions à David Souvestre, président de la Lesbian & Gay Pride de Lyon

Comment expliquer que la circonstance aggravante d’homophobie n’ait pas été retenue par la procureure le mois dernier ?
Le parquet de Lyon reste empreint de préjugés et fait preuve d’un laxisme manifeste. Les magistrats et les juges ne sont de toute évidence pas sensibilisés à cette question de l’homophobie. On ne s’attendait pas à ce que la procureure de la République retienne la qualification d’homophobie, mais son argumentation nous a vraiment choqués : elle a justifié sa décision en affirmant d’abord que la victime n’avait pas “l’air“ homosexuelle, ensuite que les insultes, qui étaient attestées, relevaient du langage et de l’expression courants. En tant qu’association de défense des homos, nous ne pouvions évidemment pas accepter ce point de vue.

Quel a été le rôle de la Lesbian & gay Pride dans cette affaire, et quelle aide concrète a-t-elle apportée à Jérémy ?
Notre rôle a été tout à fait basique : Jérémy nous a contactés et nous l’avons renvoyé vers un médecin généraliste, puis vers un psychologue et un avocat. Ensuite, nous nous sommes montrés très vigilants vis-à-vis de toutes les actions du parquet, et nous leur avons envoyé un courrier à chaque fois que nous étions en désaccord. Nous nous sommes constitués partie civile, et sans cela, l’issue du procès aurait été bien différente : les agresseurs de Jérémy auraient de toute façon été condamnés, mais la circonstance aggravante d’homophobie n’aurait certainement pas été retenue.

Pensez-vous que l’introduction dans le droit français de la circonstance aggravante d’homophobie, en 2004, a eu un effet dissuasif sur les agressions homophobes ?
e qui est certain, c’est que cette nouveauté du droit français représente une vraie avancée pour les victimes, qui voient les véritables motivations de leurs agresseurs enfin condamnées et qui sont donc incitées à porter plainte. Pour les associations, cela permet également de donner plus de poids à la dénonciation des actes homophobes. Jusqu’en 2004, on ne parlait quasiment pas de ce genre d’agression… Si on veut les faire reculer, il est, impératif de les dénoncer, et donc de les mettre en lumière.

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