«Sade, c’est moi»

Anne Gayan

Un texte de Mishima sur Sade… sans Sade. À découvrir dans une mise en scène épurée et intelligente de Jacques Vincey au Théâtre National Populaire de Villeurbanne.

«Le monde est plein de gens qui méprisent ce qu’ils ne peuvent imaginer» ; avec une franchise et une efficacité remarquables, la Marquise de Sade explique à sa mère que le manque de vision est la source de son aversion pour Donatien de Sade. Si le texte de Mishima, mis en scène au TNP par Jacques Vincey, s’intitule Madame de Sade plutôt que La Marquise de Sade, c’est qu’elles sont plusieurs, les dames qui tournent autour du célèbre libertin. Il y a son épouse, Renée, qui peut apparaître au premier abord comme une idiote amoureuse avant de dévoiler des trésors de complexité et d’intelligence. Sa fidélité tourne à la dévotion comme en témoigne cette très belle réplique parmi d’autres : «Si mon mari est un monstre de vice, il faudra que je devienne pour lui un monstre de fidélité». C’est de ce dévouement sans borne qu’elle s’entretient avec sa mère, une marâtre aussi possessive que calculatrice. Elle-même semble avoir succombé aux charmes de son gendre au début de la pièce avant de s’en prendre à lui et de le faire mettre en prison quand il menace trop sérieusement l’intégrité de sa lignée. Il y a Anne, la soeur de Renée, la jalouse qui roucoule lorsqu’elle raconte ses ébats avec le Marquis. Deux autres femmes s’insinuent dans la querelle familiale : Madame de Saint-Fons, ou le vice incarné, qui prend un malin plaisir à raconter ses exploits pervers et Madame de Simiane, ingénue qui finira bonne soeur. Cinq femmes sur le plateau (plus Charlotte la servante, en coulisses) comme sur un jeu d’échec, sur lequel elles se déplacent de façon géométrique et calculée, chacune avec sa vision de la morale. Les costumes constituent une trouvaille sans laquelle la pièce n’aurait sans doute pas la même force : les comédiennes se déplacent avec des structures circulaires sur roulettes, qui figurent les robes à crinolines transparentes. Elles traînent ces guêtres encombrantes avec elles, oripeaux sociaux qu’elles retirent parfois au moment de dire la vérité. Bien que corsetées, elles président à la destinée du Marquis de Sade, puisque sa liberté ne tient qu’à la volonté et aux caprices de ces femmes. Plus qu’une pièce sur Sade et son épouse, Madame de Sade interroge la possibilité d’un amour qui irait jusqu’à l’anéantissement de soi-même, jusqu’à ce que Renée s’écrie «Donatien de Sade, c’est moi».

Scènes de janvier

La Grammaire des mammifères
De William Pellier, mise en scène Thierry Bordereau.Ce qui a retenu notre attention à l’annonce du spectacle La Grammaire des mammifères, c’est cette promesse du metteur en scène : «à l’issue de la représentation, un boeuf sera immolé car le théâtre doit rester le lieu des vraies questions, et ce en priorité».Du 12 au 22 au Théâtre Les Ateliers, 5 rue du Petit David-Lyon 5 / 04.78.37.46.30

[purgatorio] In Visione – Emio Greco
Après le succès de Hell, Emio Greco revient avec un solo. Accompagné par trente jeunes musiciens du CNSMD de Lyon, il se livre à un rituel chorégraphique sur une relecture par le compositeur Franck Krawczyk de la Passion selon Saint-Matthieu de Bach.
Les 20 et 21 à la Maison de la Danse, 8 avenue Jean Mermoz-Lyon 8 / 04.72.78.18.00

Le Monde merveilleux de Dissocia
D’Anthony Neilson, mise en scène Catherine Hargreaves
C’est l’histoire de Lisa, qui doit descendre dans le monde de Dissocia pour récupérer une heure qu’elle aurait perdue lors d’un malencontreux décalage horaire. Un texte lyrique et déglingué.
Du 14 au 30 aux Célestins, 4 rue Charles Dullin-Lyon 2 / 04.72.77.40.40

La Petite Catherine de Heilbronn
De Heinrich von Kleist, mise en scène André Engel
Un des grands succès du théâtre public à Paris la saison dernière. Catherine, une jeune orpheline de mère âgée d’à peine seize ans, de naissance modeste, quitte tout, du jour au lendemain, pour suivre sur les routes, sans une plainte et sans un mot d’explication, le Comte Wetter von Strahl.Du 14 au 24 au studio 24, 24 rue Émile Decorps-Villeurbanne / Réservations à la billetterie du TNP, 55 rue Paul Verlaine-Villeurbanne / 04.78.03.30.30

Madame de Sade
Du 20 au 31 janvier au Petit théâtre du TNP, rue Louis Becker-Villeurbanne / 04.78.03.30.00

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