Vingt-cinq ans de militantisme

La 22e édition de la Journée mondiale contre le sida (le 1er décembre) est en France l’occasion de rappeler le travail indispensable de deux associations majeures de la lutte contre le VIH : AIDES et Act Up-Paris.

Il y a des anniversaires dont on se passerait volontiers. Si 2009 a marqué pour les gays les quarante ans des émeutes new-yorkaises de Stonewall, on a aussi commémoré cette année deux anniversaires beaucoup moins réjouissants : les vingt-cinq ans d’AIDES et les vingt ans d’Act Up-Paris. Il faut se remettre dans le contexte plombé des années 80 pour bien comprendre les motivations qui ont présidé à la création de ces deux associations. Dans ces premières années de l’épidémie, l’impuissance face à la maladie est totale : il n’existe alors aucun traitement contre le virus, être séropositif est synonyme d’une condamnation à mort à brève échéance et les enterrements d’amis sont devenus le pain noir quotidien des gays des années 80. Une sorte d’omerta honteuse entoure ce spectacle de désolation : par peur d’être rejetés par une société qui ignore encore à peu près tout de ce fléau nouveau, les séropositifs n’osent souvent pas parler de leur maladie (le chanteur de Queen Freddy Mercury, par exemple, ne révèle sa séropositivité que la veille de sa mort, le 24 novembre 1991). Lorsque le philosophe Michel Foucault décède en 1984 d’une maladie opportuniste liée au sida, les causes réelles de sa mort sont ainsi soigneusement tues tant par son entourage que par les médias. C’est pour briser ce tabou que le compagnon de Foucault, Daniel Defert, décide de fonder à la fin de l’année 1984 la première association française de lutte contre le sida : ce sera AIDES. En 1989, elle sera rejointe par Act Up-Paris, fondée sur le modèle de l’association américaine Act Up, crée à New York deux ans plus tôt. Deux associations différentes mais complémentaires.

Un même but, une même philosophie

Comme son nom l’indique, Act Up-Paris est bien implanté dans la capitale, mais possède peu de relais en province (excepté dans le Sud-ouest, grâce à son antenne basée à Toulouse). Son action consiste essentiellement à porter la voix et les réclamations des malades, à défendre les plus faibles d’entre eux (usagers de drogue, prostitué(e)s, sans-papiers…) et à faire entendre auprès du public le plus large possible des revendications qui n’ont souvent rien de consensuel. A contrario, AIDES dispose, grâce à ses soixante-dix délégations départementales, d’une couverture nationale beaucoup plus large, et se concentre sur des actions de proximité axées autour de trois grandes thématiques : la prévention, le soutien aux personnes infectées par le VIH, et les «plaidoyers» adressés aux élus et aux décideurs publics, des requêtes et des revendications légitimées par une solide connaissance du terrain. Même si leurs actions ne sont pas identiques, AIDES et Act Up-Paris partagent un même but : faire reculer la pandémie, et un même principe directeur : combattre le sida AVEC et non POUR les malades ; en faire non pas des patients (c’est-à-dire, étymologiquement, des personnes qui souffrent et qui supportent passivement), mais au contraire des acteurs du changement. En outre, leur militantisme est intrinsèquement politique, puisqu’il remet en cause le monopole accordé aux pouvoirs publics en matière de gestion des crises sanitaires : de par leur travail quotidien avec les séropositifs et la connaissance intime de la maladie qu’ils en retirent, les militants se sentent investis d’une forme de légitimité à intervenir dans le débat public autour de l’épidémie. Pour ces deux raisons, AIDES et Act Up-Paris sont chacune à leur manière des enfants lointains du mouvement de Mai 68, de la libération sexuelle qui l’a accompagné et de la remise en cause de toutes les formes d’autorité qu’il portait.

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