«Insister sur la relation amoureuse»

Olivier Lelarge s’occupe depuis deux ans des questions LGBT pour la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), premier syndicat de l’enseignement en France.

Quelle est la position de la FSU sur la prévention de l’homophobie en milieu scolaire et plus particulièrement sur la polémique autour du film d’animation Le Baiser de la Lune ?
Pour nous, ce film constitue un outil pédagogique de plus qui peut être utilisé par les enseignants dans le cadre des programmes et de l’éducation à la sexualité. Par ailleurs, la FSU est à la fois membre de l’Inter-LGBT et du Collectif éducation, qui regroupe huit organisations, et lorsque nous avons rencontré le ministre, nous lui avons fait redire que les enseignants qui utiliseraient ce matériel ne seraient pas sanctionnés, un point qui nous semblait particulièrement important.

Certains opposants au projet estiment qu’aborder ces questions avec des enfants de CM1-CM2 est prématuré. À partir de quelle classe peut-on inculquer aux élèves les premières notions d’éducation sexuelle ?
On peut les aborder dès l’école primaire, et c’est d’ailleurs ce que préconisent les textes officiels, notamment la circulaire du 17 février 2003, qui fait mention de trois séances annuelles. Évidemment, les contenus doivent être adaptés à l’âge des enfants et à leur capacité d’appréhension de ces questions : pour le cycle 3, par exemple (CM1-CM2), la circulaire recommande des séances spécifiques, alors que dans les classes inférieures, ces questions doivent s’intégrer à la progression du cours. Quant aux problématiques liées aux discriminations et à l’homophobie, elles doivent s’insérer dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté, au respect de l’autre et à la différence, qui commence également dès l’école primaire.

Mais la secrétaire d’état à la Famille Nadine Morano estime pourtant qu’«au CM2, on n’en est qu’à la découverte de l’anatomie». Est-ce que ces cours vont plus loin ?
Oui, ils vont bien au-delà en abordant aussi une dimension sociale et psychologique : on traite aussi de la relation humaine, de la relation à l’autre et au monde qui sont également très importantes si l’on veut que ces enfants aient plus tard une sexualité épanouie et heureuse.

Pourquoi est-il important de parler si tôt aux enfants de ces questions ?
Parce qu’ils voient le monde tel qu’il est, constatent que tous les couples ne sont pas forcément hétérosexuels, et parce que l’école accueille également des enfants issus de familles homoparentales. Ceux-ci ne doivent surtout pas se sentir différents des autres parce qu’ils ont deux papas ou deux mamans.

Par quels moyens peut-on parler d’homosexualité à des enfants de dix ans ?
Comme à cet âge-là, les élèves ne sont évidemment pas concernés par l’amour physique, on insiste beaucoup sur la relation amoureuse au cœur de la sexualité, en essayant de montrer aux élèves qu’au sein d’un couple homosexuel, l’amour peut exister au même titre qu’au sein d’un couple hétérosexuel. C’est d’ailleurs précisément l’objet du dessin animé Le Baiser de la Lune, qui met l’accent sur les sentiments des personnages et sur leurs relations interpersonnelles, et non sur leur sexualité. Cette éducation peut donc passer, suivant l’âge des enfants, par des courts-métrages d’animation, des films, des documentaires, des émissions, des bandes dessinées, ou encore par des débats ou des questionnements. On peut travailler par exemple sur les représentations, notamment de genre : qu’est-ce qu’être une fille, qu’est-ce qu’être un garçon ? On essaye de leur montrer qu’il y a d’autres façons de penser qui peuvent se révéler intéressantes et ainsi de faire en sorte que les élèves ne connaissent pas seulement leurs propres représentations mais s’ouvrent au reste du monde. Comme sur beaucoup d’autres sujets, les enseignants du primaire utilisent une multitude de moyens et de supports différents pour arriver à toucher leurs classes.

Quelles sont les personnes les mieux à même d’aborder ce sujet avec les élèves : les professeurs ou des intervenants extérieurs ?
Les associations devraient être en principe complémentaires de l’enseignement ; dans les faits, elles pallient bien souvent un manque, notamment dans les établissements secondaires. Mais une intervention ne peut être véritablement efficace que si elle s’accompagne d’un travail aussi bien en amont qu’en aval de l’enseignant avec sa classe.

La question de l’homosexualité est-elle suffisamment traitée dans les programmes scolaires ?
Il faut que les choses soient dites clairement là où cela se justifie. Lorsqu’on évoque les déportations sous l’Occupation, par exemple, il ne faut pas oublier les homosexuels, de même que lorsqu’on aborde la figure de Marcel Proust, il faut rappeler qu’il préférait les hommes et que cela a eu un impact dans son œuvre. Occulter l’homosexualité dans un chapitre d’histoire consacré à la Grèce antique, comme le font certains manuels scolaires, c’est quand même assez fort !

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