L’école de la tolérance

La prévention de l’homophobie investit de plus en plus le champ de l’école, notamment par le biais des associations. Le point sur le déroulement et le contenu de ces actions qui visent à éviter des drames tels que le suicide des adolescents.

Une fois n’est pas coutume, rendons grâce à Christine Boutin : en protestant avec véhémence auprès du ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel contre la diffusion du film d’animation Le Baiser de la Lune, sensé sensibiliser les élèves du primaire à l’homosexualité, la présidente du Parti Chrétien-Démocrate aura au moins réussi à faire surgir dans le débat public la question de la prévention de l’homophobie chez les plus jeunes. Car depuis quelques années, les initiatives de ce type se multiplient, sous l’impulsion notamment de responsables associatifs alarmés par le taux de suicide anormalement élevé chez les jeunes homosexuels ou en questionnement sur leur identité sexuelle (une prévalence quatre à sept fois supérieure à celle constatée chez leurs camarades hétérosexuels). En ce domaine, SOS Homophobie a fait figure de précurseur : à la base simple ligne d’écoute fondée en 1994, l’association a mis en place une commission chargée de plancher sur les questions d’éducation dès 2001, deux ans avant sa première intervention en milieu scolaire. Les premières démarches auprès des établissements scolaires se sont souvent révélées infructueuses, mais l’obtention progressive d’agréments académiques (sorte de labels délivrés par l’Éducation nationale qui n’ont rien d’obligatoire mais qui sont des gages de qualité et de sérieux) ont progressivement ouvert les portes des lycées et des collèges aux membres de SOS Homophobie. En 2004, c’est l’académie de Versailles qui donnait son feu vert, en 2008 celles de Paris et de Créteil, et, en juillet 2009 l’agrément a été étendu à toute la France pour SOS Homophobie comme pour l’association Contact (qui regroupe des parents de jeunes homosexuels). Aujourd’hui, ce sont les directeurs d’établissements scolaires qui sollicitent les associatifs et non plus l’inverse, preuve du chemin parcouru en quelques années.

Désactiver les préjugés

Les interventions en milieu scolaire se déroulent systématiquement en présence d’un enseignant ou d’un responsable adulte de l’établissement scolaire qui peut à sa guise prendre part à la discussion ou rester en retrait. Ces interventions sont toujours menées par un binôme composé d’un homme et d’une femme, choisis indépendamment de leur orientation sexuelle. Leur exposé commence par une brève présentation de leur association, puis s’ensuit une discussion avec les élèves sur ce qu’est une discrimination, comment celle-ci se manifeste… Une fois cette réflexion menée, les intervenants peuvent entrer au cœur du sujet et relever, pour mieux les désactiver, tous les préjugés des adolescents : «l’homosexualité n’est pas naturelle, c’est un choix, c’est la faute des parents, un truc de blancs, les lesbiennes sont simplement des femmes déçues par les hommes», etc. C’est alors l’occasion d’un rappel de la législation française, qui interdit les injures homophobes au même titre que les injures racistes ou antisémites : une découverte pour beaucoup d’élèves. En 2009, SOS Homophobie a ainsi réalisé soixante-dix neuf interventions (cinquante-huit en Île-de-France et vingt-et-une en province) et espère toucher encore deux mille élèves cette année, de la quatrième à la terminale. Une goutte d’eau dans la masse des élèves de cette tranche d’âge, mais pourtant Chrystelle Chopin, la vice-présidente de l’association, croit plus que jamais à la nécessité de ce combat : «sur les quatorze meurtres homophobes commis depuis 2002, onze ont été perpétrés par des jeunes de moins de vingt ans, et cinq par des mineurs. Les assassins sont majoritairement sur les bancs de l’école, et c’est pour cela que c’est là qu’il faut agir».

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