En direct de Cannes (2) : Kaboom, de Gregg Araki

Durant toute la durée du Festival de Cannes, nos envoyés spéciaux sur la Croisette Ivan Mitifiot (coordinateurs de projets pour l’association Écrans Mixtes) et Gaspard Dhellemmes vous feront découvrir les films LGBT les plus marquants de cette soixante-troisième édition.

Que fait-on quand on s’appelle Gregg Araki et qu’on a fait un chef d’œuvre impérial comme Mysterious Skin ? On se repose. Et ça donne Smiley Face, son dernier film en date dans lequel le cinéaste californien n’en foutait pas plus que son héroïne droguée et amorphe qui se goinfrait de space cakes. Et puis on a besoin de retrouver ses fans. Sous les conseils de John Waters, Araki se remet au boulot et décide de livrer un film best-of, dans la droite lignée de sa trilogie de l’apocalypse adolescente des années 90 (Totally F***ed Up, The Doom Generation et Nowhere). Kaboom n’apporte donc rien de neuf sous le soleil des campus californiens : le passage à l’adolescence est toujours ce no man’s land où la baise, la défonce et l’alcool ne sont là que pour combler le vide existentiel et l’absence de repères qui ne peut mener qu’à la fin du monde. Araki nous refait Nowhere, mais ne retrouve pas ce ton désespéré, cette gueule de bois, cet indicible sentiment de déprime qui nous avait assailli à la sortie de la salle et qui nous avait hanté plusieurs jours après la vision du film. Avec Kaboom, Araki se fait plutôt un bain de jouvence. Le film est un cadeau pour les fans, et ça marche plus que jamais ! Imaginez un peu : un jeune glandeur qui se touche en rêvant de son coloc’ surfeur, qui devient hétéro après avoir mangé un space cake et dont la meilleure amie sort avec une sorcière lesbienne et psychopathe, tout cela sur fond de complot planétaire, de sectes, d’enlèvements et de fin du monde. Avec un tel joyeux bordel décomplexé où la série Beverly Hills rencontre David Lynch, John Waters et MTV, il y a de quoi réveiller le Festival de Cannes, même à minuit où le film a été présenté en séance spéciale ! Ayant opté pour le tournage en HD, Araki filme plus que jamais avec une précision de géomètre et compose comme toujours ses cadres et ses éclairages comme un authentique peintre. On jubile sur son fauteuil, on éclate de rire en cœur à la dernière image du film (attendez la fin du générique pour avoir la signification du titre), et on rentre chez soi heureux et vidés comme si on avait mangé les même space cakes que l’héroïne de Smiley Face. C’est totalement jubilatoire et on remercie Araki de nous avoir apporté 1h30 de pur bonheur, même si on ne peut que regretter le sentiment d’avoir déjà vu le film. Il manque tout simplement à Kaboom la noirceur de Nowhere dans lequel tout était déjà dit, de manière plus évidente et épurée.

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