Mise en abyme

Le nouveau spectacle de Gilles Pastor, Marguerite et François, joué au Théâtre du Point du Jour (Lyon 5), est fondé sur les entretiens entre Duras et Mitterrand datant de 1986, qui furent édités sous le titre Le Bureau de poste de la rue Dupin. En apparence, on est bien loin de l’univers du metteur en scène, qui a pour habitude de se servir d’un matériau plus personnel et autobiographique pour composer ses spectacles. En apparence seulement. En effet, il y a bien, en recomposant pour la scène les conversations entre un président de la République érudit et une femme de lettres renommée, une volonté de s’emparer de questions d’ordre politique. En 2007, lors de la dernière élection présidentielle, Gilles Pastor est en résidence au Brésil et vote par procuration. Il est donc confronté à un paysage politique français métamorphosé à son retour. Or, les interrogations qui animent les échanges entre Duras et Mitterrand, qu’il s’agisse de l’Afrique ou de l’identité nationale, à une époque où le Front National émerge en France, trouve encore un écho en 2010. Mais il y a aussi, chez Pastor, une recherche de l’intime derrière les personnages publics. Lorsque Duras et Mitterrand organisent ces entretiens, ces deux amis de longue date, qui ont fait connaissance dans la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, ont conscience de leur statut et de leur image. Ils savent tous deux qu’un ouvrage sera publié et que ces échanges, qu’ils aient eu lieu dans les salons de l’Élysée ou dans l’appartement de Duras rue Saint-Benoît, passeront à la postérité. Ce sont les moments d’intimité derrière ces rôles bien établis que traque Pastor, en ayant notamment recours aux enregistrements audio de ces entretiens. En outre, en choisissant de mettre en scène Marief Guittier, comédienne de renom, et Patrice Béghain, ancien adjoint au maire de Lyon en charge de la Culture, Pastor met sur pied un subtil jeu de miroir où personnalités publiques, personnages et interprètes se croisent et se confondent, laissant affleurer une certaine réalité derrière les masques de chacun.

Marguerite et François
Jusqu’au 25 novembre au Théâtre du Point du Jour, 7 rue des Aqueducs-Lyon 5 / 04.78.150.180
www.lepointdujour.fr

Crédit photo : M. Guitter, P. Béghain ET G. Pastor – DR