Une foi pour tou(te)s

En 2010, la Journée mondiale contre l’homophobie (lundi 17 mai) se focalisera sur les religions et sur les violences, symboliques ou physiques, dont celles-ci peuvent être porteuses envers les gays et les lesbiennes.

Entre les religions et l’homosexualité, le contentieux semble à première vue éternel et irrésoluble. À tout Seigneur, tout honneur, c’est dans l’Ancien Testament (reconnu comme un livre sacré aussi bien par les Juifs que par les chrétiens) que l’on trouve les premières condamnations de l’amour entre hommes, et ce dès le Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible) : c’est dans la Genèse que figure le célèbre épisode de Sodome et Gomorrhe, ces deux cités détruites par Dieu en raison de leurs mœurs jugées perverses. Un peu plus loin, le Lévitique précise : «tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination» (18:22) avant d’ajouter, pour ceux qui n’auraient pas compris : «si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux» (20:13). Le tableau n’est guère plus reluisant dans le Coran, qui reprend l’épisode de Sodome et Gomorrhe et du prophète Loth (Lût en arabe), qui tenta vainement d’alerter son peuple sur les méfaits de sa «dépravation». Mais l’homophobie n’est pas pour autant l’apanage des religions abrahamiques : dans une interview au magazine Le Point datant de 2001, l’actuel dalaï-lama considérait ainsi que l’homosexualité «fait partie de ce que nous, les bouddhistes, appelons «une mauvaise conduite sexuelle». Les organes sexuels ont été créés pour la reproduction entre l’élément masculin et l’élément féminin et tout ce qui en dévie n’est pas acceptable d’un point de vue bouddhiste».

Homos et croyants

Face à ce climat général assez peu gay-friendly, quoique tempéré dans le meilleur des cas par des appels à «respecter» les personnes homosexuelles tout en déplorant leur «comportement», les croyants gays et lesbiens de chaque religion tentent tant bien que mal de concilier leur foi et leur sexualité et de faire évoluer les positions de leurs clergés. C’est la mission que se sont assignés par exemple l’association chrétienne David et Jonathan (voir encadré) ou «le collectif citoyen» des Homosexuels Musulmans de France (HM2F), créé au début de cette année. Le 17 mars dernier, deux mois jour pour jour avant la Journée mondiale contre l’homophobie, ces efforts se sont vus encouragés par la publication, dans le quotidien Le Monde, d’un Appel contre l’homophobie et la transphobie signé par quatre intellectuels (le philosophe protestant Olivier Abel, l’écrivain et essayiste catholique Jean-Claude Guillebaud, le théologien musulman Tarek Oubrou et le rabbin Rivon Krygier) qui demandent à leurs religions respectives, non pas d’accepter l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, mais au moins de se joindre à la lutte contre les discriminations qui frappent les homosexuels du monde entier au nom de la croyance. La tolérance réclamée à défaut de l’égalité, en quelque sorte. On touche ici aux limites de l’indulgence des autorités religieuses : si celles-ci peuvent à l’occasion exprimer de la «compassion» pour les gays et les lesbiennes, très rares sont celles qui considèrent l’homosexualité, voire la sexualité tout court, comme une composante essentielle et nécessaire à l’épanouissement des individus, indépendamment de toute visée reproductive. Au risque, parfois, d’accentuer le mal-être de celles et ceux que l’on prétend vouloir aider. Lundi 17 mai se tiendra sous les dorures de l’Assemblée nationale un colloque autour du thème «Religion, homophobie, transphobie». Une initiative qu’il faut saluer, même si une seule journée ne suffira sans doute pas à faire le tour de cette épineuse question…

David et Jonathan, au rendez-vous de nos promesses

Avant d’être le duo à qui nous devons l’inoubliable roucoulade sucrée Est-ce que tu viens pour les vacances ?, David et Jonathan, c’est d’abord le nom d’un groupement informel (initialement baptisé Christianisme et Homophilie) créé au début de l’année 1972 et devenue officiellement une association loi 1901 en octobre 1983 : il s’agit donc d’une des plus vieilles associations LGBT françaises. Elle tire son nom de la relation fusionnelle entre deux personnages bibliques : le jeune roi David et le fils du roi Saül, Jonathan. Comme pour d’autres personnages des Saintes Écritures (Jésus et son «disciple bien-aimé» Jean, par exemple), leur amitié était si profonde et si forte que sa nature exacte a donné lieu à bien des suppositions, jusqu’à inspirer ces chrétiens de toutes obédiences (catholiques, protestants, orthodoxes…) en quête d’un lieu d’accueil, de parole, de réflexion et d’écoute où ils pourraient s’épanouir dans le respect aussi bien de leur foi que de leur orientation sexuelle. À l’origine uniquement parisienne, l’association compte désormais entre 500 et 600 membres répartis dans toute la France, la moitié d’entre eux environ restant concentrée dans la capitale. À la différence d’autres associations plus combatives, David et Jonathan n’a jamais eu pour objet le militantisme, mais fait pourtant partie de l’Inter-LGBT et participe tous les ans à la Marche des Fiertés. Par ailleurs, elle tente régulièrement d’interpeller les autorités religieuses et de faire évoluer progressivement et de l’intérieur les différentes Églises chrétiennes vers des positions un peu plus tolérantes : c’est ainsi que la section lyonnaise de l’association rencontrera en mai Monseigneur Barbarin, cardinal et évêque de Lyon, pour évoquer avec lui les récentes déclarations inquiétantes venues du Vatican. Mais si l’homophobie d’une partie de l’Église catholique attriste ces chrétiens homosexuels peut-être plus encore que les autres, celle des fondamentalistes protestants n’a rien à lui envier, et c’est ce que mettra en lumière la soirée proposée lundi 17 mai par David et Jonathan à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie. L’association organise en effet, avec le concours de Contact et de l’Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL), la projection du téléfilm américain Prayers for Bobby (Bobby, seul contre tous), réalisé en 2009 d’après une histoire vraie : celle d’un jeune homosexuel rejeté par sa famille dont le suicide poussera sa mère, ancienne bigote protestante rigoriste et homophobe, à reconsidérer sa vision de l’homosexualité et même à devenir une militante des droits des gays. La projection sera suivie d’un débat en présence d’un psychologue spécialisé dans le suicide des adolescents, d’une femme pasteur et, peut-être, de représentants d’autres religions.

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