Double extase

Méditerranée(s) : c’est le titre de l’édition 2010 du Festival d’Ambronay, qui s’apprête à ravir le cœur et les oreilles des mélomanes de tous âges, le temps de quatre week-ends.

Nous pourrions simplement parler de la longévité du Festival d’Ambronay qui a su, pour durer pleinement, se renouveler et oser des programmations qui déroutent, perturbent et réveillent les sens. Ce rendez-vous incontournable de la musique baroque (mais pas que…) a fêté en effet la saison dernière ses trente ans avec fracas et brillance : de nombreuses pointures du genre avaient répondu présent. Cette nouvelle édition fait place à la génération montante, dynamique et pleine d’idées folles. Le public pourra ainsi découvrir de véritables jeunes talents : Geoffroy Jourdain, Emmanuel Bardon et encore Leonardo García Alarcón, artiste argentin en résidence au Centre Culturel de Rencontre d’Ambronay. Tous seront réunis autour du même thème, puisque cette année, le festival ouvre ses portes sur la Méditerranée, sa multitude d’ambiances, de langues et de civilisations. Le programme foisonne d’idées nouvelles, de bijoux musicaux étonnants et de valeurs baroques des plus sûres. Il y en a pour tous les goûts et c’est exactement ce que souhaite Alain Brunet, l’infatigable directeur artistique qui fait vivre ce festival avec passion et générosité.

Un concert pas comme les autres

Le 19 septembre, il faudra être à l’Abbatiale, pour un moment d’extase durant lequel l’ensemble Amarillis et la mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac proposeront une sorte de diptyque mi-laïc mi-religieux d’une étonnante tenue. Extases, nous dit le titre ; deux figures d’amour des plus dissemblables : la reine Didon, abandonnée par son amant Énée, et la Vierge Marie, pétrie d’amour et de douleur. Comment en arrive-t-on à construire un programme où se confrontent ces deux figures quasi-opposées ? La réponse est simple : ces femmes sont toutes deux éperdues d’amour, toutes deux vulnérables, toutes deux plongées dans une effrayante douleur qui touche à l’extase. Car l’époque baroque, éprise de sensibilité extrême, de sensiblerie parfois, raffole d’icônes défigurées par la douleur. Dans la religion, si l’expérience de l’extase est mystique, elle est de chair aussi : pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir de l’extase de Sainte-Thérèse d’Avila du Bernin, un autre bijou baroque religieux des plus sensuels. Lors de cette soirée presque improbable, le public pourra découvrir des œuvres de Rossi, Cavalli, Stozzi et réentendre les airs de Monteverdi dédiés à ces deux femmes d’exception. Révélée par William Christie dans Thésée de Lully, Stéphanie d’Oustrac est une figure marquante de la musique baroque, et va séduire autant en Didon qu’en Vierge Marie, elle qui sait être hypnotique et sensuelle quelle que soit la femme qu’elle incarne. Quant à l’ensemble Amarillis, qui est à géométrie variable, il est connu pour ses recherches, sa haute technique instrumentale… et sa direction à deux têtes. Une caractéristique rarissime, puisque dans la fonction de chef d’orchestre, on préfère généralement être omnipotent. Les deux jeunes femmes qui tiennent la baguette, Violaine Cochard et Héloïse Gaillard, n’ont pas ces egos-là et partagent volontiers. L’ensemble Amarillis se renouvelle donc constamment et offre des mises en perspectives musicalement très intéressantes. Lorsqu’elles ne dirigent pas, Violaine Cochard joue du clavecin ou de l’orgue positif et Héloïse Gaillard est à la flûte à bec. Une passation de pouvoir qui donne un réel souffle à l’ensemble et dont bien des orchestres devraient s’inspirer.

www.ambronay.org

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